"Dieu merci, je suis en vie": plus de 4.200 migrants secourus ces derniers jours au large de la Libye débarquaient lundi dans différents ports d'Italie, où le nombre d'arrivées cette année dépasse les 153.000 enregistrées en 2015.
"Il y avait 160 personnes sur notre canot. Nous avons beaucoup souffert (...). Dieu merci, je suis en vie, mais c'était trop de souffrance. J'ai été battu depuis le Niger jusqu'à la Libye. Je veux rester en Italie", a raconté à l'AFP Modoulamin Camara, charpentier gambien de 24 ans.
Avec près de 1.100 autres migrants, il est arrivé lundi matin à Palerme, dans le nord-est de la Sicile, à bord du Siem Pilot, un navire norvégien engagé dans le dispositif de l'agence européenne Frontex au large de la Libye.
La plupart d'entre eux sont partis de Libye jeudi avant l'aube. Secourus dans la journée, ils ont été transférés d'abord sur un pétrolier réquisitionné par les gardes-côtes italiens puis dans la nuit de jeudi à vendredi sur le Siem Pilot.
A bord, l'équipage avait tendu un grand drap blanc sur lequel a été affichée une photo du navire et une horloge décomptant les heures jusqu'à l'arrivée. Une immense clameur a salué le passage de la dernière heure à 0.
Des migrants ont chanté et dansé, des femmes ont entonné des hymnes chrétiens en tapant dans leurs mains alors que le navire entrait dans le port de Palerme au lever du soleil.
Pourtant, la procédure d'identification des migrants à l'arrivée est si fastidieuse que seule la moitié des passagers devraient pouvoir débarquer dans la journée et prendre un car pour un centre d'accueil quelque part en Italie. Les autres passeront une nuit de plus sous une fine couverture sur le pont.
Mais beaucoup attendent surtout avec impatience les repas que la Croix Rouge distribue sur le quai et à bord. La plupart des migrants, déjà affamés au moment de leur sauvetage, ont terminé il y a longtemps l'unique barre énergétique de 2.300 calories qu'ils ont reçue en montant à bord samedi.
Les premiers à descendre sont les malades, puis les femmes et les enfants. Certains nettoient le petit espace où ils ont dû se serrer sur le pont. Tous semblent cependant épuisés et attendent avec impatience de pouvoir prendre une douche ou se laver les dents.
Sur le port, une équipe de soutien psychologique de Médecins sans frontières (MSF), attend ceux parmi les nouveaux arrivants qui ont survécu à l'attaque de leur canot dans la nuit de jeudi à vendredi par des hommes arrivés sur une vedette des gardes-côtes libyens.
Tentant apparemment de s'emparer du moteur du canot, ils ont provoqué une panique et la plupart des migrants sont tombés à l'eau. Des secouristes allemands ont secouru 120 personnes mais récupéré quatre corps et estiment qu'il y a jusqu'à 25 disparus.
"Leur histoire nous donne des cauchemars", a commenté MSF sur Twitter.
Les quatre corps et ceux de 13 autres personnes, dont quatre enfants, récupérés lors d'autres sauvetages dramatiques ces derniers jours, sont arrivés à Palerme avec le Siem Pilot et ont été débarqués dans des cercueils en bois.
"Nous avons de la chance que rien ne nous soit arrivé", assure Alhaji Kutubu Sankoh, qui a quitté le Sierra Leone pour échapper à la stigmatisation depuis que le virus Ebola a tué son père.
Des hommes -- passeurs ou pêcheurs -- sont pourtant venus voler le moteur de son canot. "Nous étions sur l'eau, tout le monde pleurait, nous pensions que tout était fini pour nous. Mais grâce à Dieu vous êtes venus nous secourir".
Au total, plus de 4.200 migrants sont arrivés lundi à Syracuse, Pozzallo, Messine et Trapani en Sicile mais aussi à Crotone dans le sud de l'Italie, et plus d'un millier d'autres étaient attendus mardi.
Selon un décompte effectué lundi matin par le ministère de l'Intérieur à Rome, plus de 153.000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes depuis le début de l'année, soit l'équivalent du total de 2015 mais encore en-deçà des 170.000 enregistrés en 2014.
Et malgré la multiplication des navires de secours, la traversée a coûté la vie à au moins 3.700 personnes selon l'ONU.
24/10/2016
Source : AFP