Les autorités ont achevé mercredi l'évacuation de la "Jungle" de Calais, ce vaste campement de migrants dans le nord de la France, mais des associations s'inquiétaient du sort de dizaines de mineurs contraints de passer la nuit dehors.
Dans ce bidonville, le plus grand de France, où s'entassaient depuis 18 mois des milliers de migrants face aux côtes anglaises qu'ils rêvaient d'atteindre, de violents incendies ont marqué la fin de l'évacuation commencée lundi.
Les incendies, selon des témoins, ont été allumés par des migrants alors que les derniers cars emmenaient les volontaires au départ vers des centres d'accueil.
"C'est vraiment aujourd'hui la fin de la Jungle, (...) notre mission est remplie (et) une page se tourne" pour ces migrants qui "vont pouvoir commencer une nouvelle vie" en France, a affirmé la représentante de l'Etat, le préfet du département Fabienne Buccio, lors d'une conférence de presse.
Un total de 5.596 personnes ont été "mises à l'abri" au soir du troisième jour de l'évacuation du bidonville, a précisé le gouvernement français.
Arrivés de divers pays - principalement d'Erythrée, du Soudan et d'Afghanistan -, entre 6.400 et 8.100 migrants vivaient encore à la fin de la semaine dernière dans les allées boueuses de la "Jungle", dans des conditions d'extrême précarité.
Selon les autorités, "il n'a plus personne" dans le camp, investi par les forces de l'ordre. Mercredi soir, le site était quasiment désert et seuls quelques migrants, a constaté l'AFP, erraient dans le campement.
Le paysage de carcasses calcinées encore fumantes n'empêchait pas quelques irréductibles de vouloir rester. "Cette nuit, on dort ici", assuraient Ahmad et Nihas, deux Pakistanais, en regagnant leur tente rescapée des flammes. "On veut passer en Grande-Bretagne. C'est là qu'on trouvera du travail".
Le gouvernement veut désormais faire place nette rapidement. "Des moyens plus importants" vont être déployés "avec l'objectif de "détruire les habitats à l'abandon", a dit Mme Buccio.
Les adultes ont été embarqués dans des autocars à destination de différents centres d'accueil répartis dans toute la France.
Des mineurs ont été relogés dans un centre d'accueil provisoire, juste au bord de la "Jungle". Une quarantaine d'entre eux sont déjà partis en autocar vers un centre dédié dans l'est de la France.
Et 40 autres "devraient être transférés vers la Grande-Bretagne jeudi", a indiqué à l'AFP le directeur général de France terre d'asile (FTDA), Pierre Henry.
Ils s'ajouteront aux plus de 200 mineurs que Londres a accepté de prendre en charge depuis la semaine dernière, au titre de la réunification familiale notamment.
Mais des dizaines de jeunes restaient présents dans le camp, livrés à eux-mêmes, selon des associations sur place.
"Environ 1.500 personnes sont logées au CAP", le centre d'hébergement en conteneurs mis en place par les autorités, et "il n'y a plus de places", a déclaré Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile (Ftda).
A la question de savoir si certains mineurs risquaient de passer la nuit de mercredi à jeudi dehors, M. Henry a répondu: "C'est possible et je le regrette".
"Les enfants qui ne se sont pas enregistrés n'ont tout simplement aucun endroit où dormir", a déploré Samuel Hanryon, porte-parole de Médecins sans frontières (MSF).
"Les mineurs vont dormir sous le pont", a dit lui aussi Christian Salomé, de l'association L'Auberge des Migrants.
"Plus de 200 mineurs sont dehors, ils sont trop nombreux pour qu'on puisse les prendre en charge", a confirmé une volontaire de l'association Utopia 56.
Avant la tombée de la nuit, le campement n'était que cendres et débris calcinés: le feu s'est propagé un peu partout, notamment dans l'allée centrale du camp, encore récemment bordée de commerces informels.
Ces incendies sont une "tradition, notamment pour certaines communautés qui mettent le feu à leur habitation au moment de la quitter", selon Mme Buccio. Le même phénomène avait été constaté en mars lors du démantèlement de la zone sud.
"Même si la Jungle brûle, certains reviendront ici, où au moins on a une possibilité de tenter notre chance en Grande-Bretagne", affirmait Rami, un Soudanais de 27 ans.
Des dizaines de femmes africaines, accompagnées d'enfants et d'adolescents, avaient défilé mercredi matin dans le camp en criant en anglais "Où sont les droits de l'homme?" et en brandissant des feuilles de papier où était écrit "We want UK" ("Nous voulons le Royaume-Uni").
26/10/2016
Source : AFP