mercredi 27 novembre 2024 04:04

Les «cadres musulmans» apprivoisent la laïcité à la française

Quelques-uns des 24 élèves inscrits cette année au Diplôme universitaire « religions et sociétés », à la Catho de Paris, témoignent de l’intérêt d’une formation unique en Europe

Ce vendredi soir 14 janvier, dans la cour de l’Institut catholique de Paris, les derniers étudiants partent en week-end. Mais pour les élèves du Diplôme universitaire (DU) « Religions et sociétés », une formation d’un an destinée aux « cadres musulmans » français, c’est au contraire le début des cours.

Les participants venus de toute la France se retrouvent chaque vendredi de 19 heures à 22h30, puis de nouveau six heures le samedi. Ils sont 24 imams, aumôniers de prisons et d’hôpitaux et responsables associatifs, dont six femmes, à être inscrits pour ce diplôme unique en son genre. Au programme, cours de droit des religions, d’histoire des religions, de rhétorique et de laïcité.

Soixante-dix personnes ont été diplômées depuis la mise en place de la formation en janvier 2008 par Didier Leschi, alors responsable du bureau des cultes au ministère de l’intérieur, et le sociologue des religions Olivier Bobineau.

«J’apprends comment créer davantage de liens entre les communautés»

Ce dernier donne ce soir un cours de rhétorique dans la tradition des cours d’Institut d’études politiques, où il enseigne aussi. « Il faut adopter une posture laïque, détaille l’énergique professeur entre deux exercices pratiques : incarner une figure de médiateur pour avoir la confiance de tous vos interlocuteurs. »

Pas facile pour tout le monde. Mataich Imad, le jeune imam de l’Union des Marocains de Châlons-en-Champagne et membre du Rassemblement des musulmans de France (RMF), arrivé en France en 2009, hésite à s’exprimer devant la classe. « C’est difficile d’être imam en France, notamment à cause de la langue. Ici, j’apprends la diversité des cultures, c’est essentiel. » L’âge des élèves, leur niveau social ou de formation sont de fait très hétérogènes.

Barbe finement taillée, chemise noire sous un élégant gilet gris, Bahran El Fakhar, président de l’association Esseyma à Franconville (Val-d’Oise), prend la parole avec aisance. Le responsable associatif de 31 ans, né à Corbeil-Essonnes de parents d’origine algérienne, explique observer un « fort repli identitaire » parmi les jeunes qui participent aux ateliers culturels mis en place par son association. « En participant à la formation, j’apprends comment créer davantage de liens entre les communautés, entre les croyants des différentes religions et les laïcs. »

«Je n’avais pas compris l’histoire de la laïcité à la française»

Installé devant lui au premier rang, Ali Taitous, 52 ans, est aumônier à l’hôpital et à la prison de Meaux (Seine-et-Marne). Arrivé d’Algérie en France en 1967 à 8 ans, ce cadre associatif essaie au quotidien d’expliquer sa religion à son entourage pour faire « tomber les préjugés ». Depuis qu’il suit les cours, il comprend mieux « les peurs des Français vis-à-vis de l’islam » et se sent plus armé pour s’adresser à des institutionnels.

Pour Nassim Aoufi, aumônier militaire depuis 2009 à Orléans, « c’est important de connaître les points de friction, de savoir jusqu’où on peut aller. Je n’avais pas compris l’histoire de la laïcité à la française et son importance au quotidien », explique le jeune homme discret.

Grâce au cours de droit des cultes, il a déjà pu résoudre un cas pratique. Après un semestre, il a informé les militaires de confession musulmane de la possibilité de prendre un congé pour fêter l’Aïd, à condition d’en faire préalablement la demande.

19/1/2011, Julien DURIEZ

Source : La Croix

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