mercredi 27 novembre 2024 06:20

Claude Guéant souhaite réduire l'immigration légale

INTERVIEW - Laïcité, immigration, sécurité, réforme de la garde à vue, le ministre de l'Intérieur dévoile ses projets et répond aux attaques de la gauche.

Le Figaro Magazine - L'UMP a tenu mardi dernier sa convention sur la laïcité. Avec le recul, ne regrettez-vous pas ce débat ?

Claude Guéant - La laïcité est un principe structurant de notre société et les Français y sont profondément attachés. Ce n'est pas un hasard si l'article premier de la Constitution affirme que laRépublique est laïque. La loi de 1905, née dans la douleur, dit que la République assure la liberté de conscience et garantit la liberté des cultes. Mais aujourd'hui, les Français ont le sentiment que des comportements transportent sur l'espace public le fait religieux.

Mais beaucoup de responsables politiques ont exprimé leur malaise. Le premier ministre n'a pas assisté à cette convention !

Le premier ministre n'a assisté à aucun des débats récemment organisés par l'UMP. Ce n'est donc pas une nouveauté. En revanche, beaucoup de ministres ont assisté à cette convention. Cela montre qu'ils se sentent, dans leur fonction de ministre, porteurs de la responsabilité de faire vivre la laïcité.

Que retenez-vous des 26 propositions de l'UMP ?

Je voudrais dire, d'abord, que débattre est toujours positif. Ces propositions sont le fruit d'un travail important mené au sein du parti,dans un esprit de responsabilité. Elles apportent des réponses concrètes à plusieurs questions que se posent nos concitoyens. Je note qu'elles sont équilibrées et j'en partage les objectifs principaux, qui sont de réaffirmer le principe de laïcité,de garantir le libre exercice du culte et d'assurer la cohésion de notre communauté nationale.

Faudra-t-il une loi ?

Nous ne toucherons pas à la loi de 1905. Mais je n'exclus pas que, dans quelque temps, des textes supplémentaires puissent être préparés,qui seront pour l'essentiel denature réglementaire. Les agents publics ont besoin d'être confortés. C'est pourquoi je proposerai que soit mis en place,au-delà d'un code de la laïcité etdela liberté religieuse, qui compilera les textes et la jurisprudence, un double réseau de «correspondants laïcité», d'abord dans chacun des ministères, et ensuite dans chaque préfecture. Ces référents seront ceux vers lesquels les agents des services publics, les élus et les associations cultuelles pourront se tourner s'ils éprouvent une difficulté pratique ou une difficulté de conscience.

Comment régler le cas des prières dans les rues ?

J'ai engagé des concertations qui me laissent penser que d'ici à quelques mois, il n'y aura plus,en France, de prières dans la rue. La rue n'est pas faite pour prier mais pour circuler. Plusieurs pistes sont étudiées, comme la possibilité de faire plusieurs offices ou de louer des locaux dans l'attente de la construction de mosquées.

Allez-vous aider à la construction de mosquées ?

Il n'est pas question de modifier l'origine de financement des mosquées, en prévoyant, par exemple, de mettre de l'argent public, de l'État ou des collectivités locales. Des dispositions existent déjà pour faciliter les choses et donnent des résultats tout à fait positifs: garantie d'emprunt descommunes, bail emphytéotique...

Les imams seront-ils formés en France désormais ?

Nous allons étendre la formation civique aux lois de la République par l'Institut catholique de Paris, mise en place voilà quelques années quand Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur, à d'autres universités dès la rentrée prochaine. Il faut des imams pénétrés de culture française et de ce principe de laïcité difficile à comprendre en pays musulman.

Pour les cantines scolaires...

... Il n'est pas possible qu'un usager du service public, un élève ou ses parents exige que le service public s'adapte à sa pratique religieuse. En revanche, et c'est la voie raisonnable que le gouvernement proposera, si un élève a un problème religieux avec la consommation de telle ou telle viande, il est normal qu'on lui propose un menu adapté, par exemple sans viande.

Comment résoudre les difficultés qui se posent dans les hôpitaux ?

Là aussi, le gouvernement proposera une solution de sagesse. L'hôpital a un devoir de soin. Il n'est pas question de transiger là-dessus.Mais on peut résoudre ces problèmes raisonnablement et paisiblement. L'univers médical français ne manque pas de médecins femmes.

S'il n'y a pas besoin de loi supplémentaire et si la concertation suffisait, pourquoi ce débat ?

Il y a beaucoup d'incompréhension, de malentendus, de préjugés. Il était important de rappeler les règles, de les compléter le cas échéant. Il vaut bien mieux traiter ces questions un an avant les élections, plutôt qu'en pleine campagne.

Après avoir dit qu'à force d'immigration incontrôlée, les Français ne se sentaient plus chez eux, vous avez expliqué lundi que « l'accroissement du nombre de fidèles et un certain nombre de comportements posent problème ». Certains vous soupçonnent de provocation volontaire, c'est le cas ?

... Ce n'est absolument pas le cas. Il est facile de sortir une phrase de son contexte et de déformer des propos. J'ai dit que depuis 1905, le nombre de musulmans pratiquants dans notre pays s'était accru. Personne ne peut le contester. Cet accroissement pose un certain nombre de problèmes concrets dans notre société et il est du devoirdes pouvoirs publics de s'en occuper: c'est ce que nous avons fait pourle port du voile à l'école, celui du voile intégral dans l'espace public, et c'est ce que nous ferons pour régler le problème que posent les prières dans la rue. Elles sont indignes pourles fidèles et heurtent les autres. Il faut cesserdevoir la polémique dans la simple évocation de la réalité des problèmes que nos concitoyens ressentent. C'est à nous d'apporter des réponses concrètes et efficaces.

Mais la majorité est au pouvoir depuis 2002 !

La majorité a fait adopter par le Parlement plusieurs lois qui ont amélioré notre dispositif de maîtrise des flux migratoires. Avant 2001, la France ne reconduisait dans leurpays d'origine que 8000 à 9000 personnesensituation irrégulière. Aujourd'hui c'est environ 30.000. Les socialistes régularisaient 80.000 immigrés en situation irrégulière. Aujourd'hui on ne régularise environ que 2000 personnes par an.

Mais il y a toujours ce sentiment chez les Français !

Les phénomènes migratoires changent. Les filières d'entrée dans notre pays aussi. Il faut donc adapter les textes. Je défends actuellement au Parlement un projet de loi, présenté par mes prédécesseurs, qui apporte des dispositions nouvelles qui se traduiront par beaucoup plus d'efficacité. Nous allons allonger de 32 à 45 jours la durée de la rétention administrative. Cela donnera plus de temps à l'administration pour avoir le laissez-passerconsulaire, indispensable pour les reconduites. Nous allons mettre fin à l'enchevêtrement des compétences entre juridictions judiciaire etadministrative. Avec la nouvelle loi, pendant cinq jours, le juge administratif pourra être saisi sur la décision de reconduite et celle de mise en rétention. Ensuite, le juge des libertés et de la détention (JLD) interviendra pour dire si l'administration peut prolonger la rétention.

Oui, mais les juges pourront toujours les remettre en liberté...

Dans les deuxtiers des cas où le parquet fait appel des décisions d'un JLD, celles-ciont été infirmées! Avec le garde des Sceaux, nous sommes convenus que le parquet allait se mobiliser plus systématiquement.

Mais entre-temps, le clandestin est dans la nature !

Aujourd'hui, les parquets ne disposent que de quatre heures pour faire appel. La nouvelle loi leur donnera deuxheures supplémentaires. Ils seront plus efficaces. D'autant que l'appel du parquet est suspensif!

Quels sont vos objectifs de reconduites ?

En 2011, j'ai fixé un objectif de 28.000 reconduites à la frontière. Très franchement, j'espèreque nous ferons plus. J'ai demandé l'accélération de la mise en place des visas biométriques. Fin juin, nous aurons 120 postes de lecture des données biométriques qui permettront de reconnaître à coup sûr non seulement l'identité mais aussi la nationalité des personnes sans papiers.

Mais ça ne concerne pas les immigrés clandestins qui arrivent en France via Lampedusa ?

Ceux-là viennent effectivement sans visa, puisqu'ils sont clandestins.On essaye de les empêcher d'entrer en France.

La commissaire européenne chargée de l'Immigration vous accuse d'outrepasser vos droits...

J'ai envoyé une lettre à Mme Malmström pour lui expliquerque le traité de Chambéry, entre la France et l'Italie, nous permettait de remettre aux autorités italiennes les personnes qui viennent chez nous et qui sont passées par l'Italie.

Cela ne conduit-il pas à remettre en cause l'espace Schengen ?

La règle dans l'espace Schengen, c'est la libre circulation. Elle n'est peut-être pas complètement adaptée à des situations d'urgence comme celle-là, c'est vrai. La France plaide pour que l'Union européenne se saisisse du sujet.

Quelle est votre doctrine en matière d'immigration légale ?

Pour assurer sa cohésion, vivre paisiblement,dans le respect de ses propres principes, une société a besoin d'une régulation de l'immigration. Ce gouvernement a l'intention de le faire. La France souhaite bien accueillir ceux dont nous autorisons le séjour, mais nous ne voulons pas que viennent ou se maintiennent sur notre sol des personnes qui ne sont pas autorisées à y séjourner. Je vous donne un exemple de notre volonté de réduire certains abus. L'année dernière, le Conseil d'Etat a rendu un arrêt dans lequel il considérait que toute personne étrangère, n'ayant pas accès aux soins dans son pays pour des raisons économiques, pouvait venir se faire soigner en France. Dans le projet de loi que je défends au Parlement, une disposition précise la modalité de l'accueil de ces personnes malades. La France n'a pas à supporter toutes les assurances- maladie de tous les pays dumonde!

Comptez-vous également intervenir pour réduire l'immigration légale ?

Bien évidemment. J'ai demandé que l'on réduise le nombre de personnes admises au titre de l'immigration du travail (20.000 arrivées par an). Et nous allons continuer à réduire le nombre d'étrangers venant en France au titre du regroupement familial (15.000). J'ai demandé une étude sur la pratique des pays d'Europe sur l'application du droit international. En matière d'asile (10.000), notre pays est plus généreux, malgré les restrictions apportées, que l'Allemagne ou le Royaume-Uni, alors que nous appliquons les mêmes conventions internationales! S'il apparaît qu'il y a des anomalies dans nos pratiques, des modifications interviendront.

Vous voulez rapprocher les policiers des citoyens. Vous revenez à la police de proximité de Jospin ?

Absolument pas!Ceconcept n'a pas été inventé par la gauche mais par la droite. Elle figure dans la loi de sécurité intérieure de 1995 portée par Charles Pasqua. Il y a une énorme différence: la gauche a toujours la crainte de réprimer. La droite veut que la police soit visible mais assume ses rôles: la prévention et la répression.

Dans leur programme, les socialistes annoncent le recrutement de 10.000 policiers en cinq ans...

...Quand Nicolas Sarkozy est arrivé au ministère de l'Intérieur en 2002, il a trouvé la facture des 35 heures: 8000 hommes en moins sur le terrain sans aucune mesure de compensation!

N'y a-t-il pas un paradoxe à entendre le PS annoncer des recrutements quand la droite supprime des postes ?

Aujourd'hui, nous sommes à 4000 policiers et gendarmes de plus qu'en 2002. Dès mon arrivée Place Beauvau, j'ai pris la décision de renforcer les effectifs dans les transports parisiens: ils seront augmentés de 25%. Nous affecterons 300 policiers supplémentaires dans le courant de l'été, auxquels s'ajouteront 600 agents de la SNCF et de la RATP. Àl'automne, je vais recruter plusde 5000 personnes en faisant appel à des adjoints de sécuritépourla police, à des gendarmes auxiliaires, à des réservistes et grâce aux heures supplémentaires.

Les jurys populaires verront-ils le jour ?

Nous travaillons avec le ministre de la Justice pourintégrer les jurys populaires dans les tribunauxcorrectionnels. Le projet de loi sera discuté en Conseil des ministres dans le courant du mois d'avril et voté par le Parlement avant l'été.

Peut-on les envisager aussi pour les contentieux des étrangers ?

C'est effectivement aussi à l'étude.

Et pour les juges des libertés et de la détention ?

Egalement. Mais c'est compliqué parce qu'il y a beaucoup de contentieux.

Commentfaire pour que la présence de l'avocat pendant la garde à vue ne se traduise pas par une baisse des élucidations, comme en Espagne ?

Le Conseil constitutionnel apris une décision qui renforce les droits de la défense. Nous ne pouvons pas nous y soustraire. Un projet de loi a été présenté,qui ne va pas faciliter le travail policier, alors que, je le rappelle, la garde à vue est faite pour parvenir à la vérité. Il ne faudrait pas que cet objectif soit oublié! C'est la raison pour laquelle je viens de saisir le premier ministre et le garde des Sceauxd'une proposition afin de préciserun certain nombre de points de la loi relative à la garde à vue, comme les interventions inopinées de l'avocat durant les interrogatoires pendant la garde à vue. Ces précisions pourraient être portées par un autre texte d'ici à l'été.

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de faire progresser le Front national en allant sur ses terres ?

C'est exactement le contraire. L'UMP et la majorité présidentielle n'ont rien de commun avec le Front national. Il ne suffit pas d'un discours, comme celui de Madame Le Pen à Tours,qui invoque tous les principes républicains, pour avoir fondamentalement changé. Le Front national n'apporte aucune réponse crédible aux préoccupations des Français. Des électeurs se tournent vers lui car ils considèrent que les autres partis les ont déçus. C'est compréhensible et je serais heureux que les partis de la majorité ramènent vers eux ces déçus qui ont exprimé leur exaspération et leur déception.

Pour 2012, faut-il mener une campagne au centre ou à droite pour récupérer les électeurs déçus ?

Il ne faut certainement pas faire trop de tactique. Il faut surtout être soi-même. C'est-à-dire gouverner à l'écoute des Français. Il faut que nous les écoutions encore davantage et que nous apportions encore davantage de réponses précises et de résultats à leurs attentes.

Vous pourrez avoir des résultats dans l'année qui reste d'ici à la présidentielle ?

Oui. Il faut tenircompte des préoccupations des Français de façone encore plus attentive que nous le faisons.Nous avons encore des progrès à faire. En matière de sécurité, nous pouvons encore gagner en efficacité en nous appuyant sur les textes que nous avons fait voter. Et nous pouvons créer un climat différent.

Faut-il un candidat du centre en 2012 ?

À titre personnel, je pense qu'il est préférable que la droite ait un seul candidat dans un contexte où le centre se sentirait respecté. Le travail que fait Jean-Louis Borloo pour rassembler les sensibilités centristes, leurdonner,au sein de la majorité, une identité, est remarquable. Un centre qui se sent reconnu au sein de la majorité est un atout supplémentaire. Ce serait, pour les centristes, prendre un grand risque pour leurs idées et leur propre survie que de poursuivre une aventure solitaire. Être unis est un deuxième atout.

Unis derrière Nicolas Sarkozy ?

Bien sûr! Il n'y a pas d'autre candidat possible que Nicolas Sarkozy.

07/04/2011

Source : Le Figaro

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