Ce qu'on croyait enterré avec la douloureuse époque de l'Apartheid refait surface. Certains évènements bien tristes, survenus ces derniers jours en Afrique du Sud, ont révélé un retour inquiétant de la xénophobie. Un sentiment de peur s'est emparé des ressortissants étrangers qui tentent par tous les moyens de défendre leur chair et leurs biens.
Une incompréhensible orgie d'attaques contre les étrangers a ainsi subitement éclaté, ces derniers jours, dans les townships de Johannesburg et Pretoria, pour s'étendre, telle une traînée de poudre, vers d'autres quartiers pauvres de l'Afrique du sud.
Une trentaine de personnes ont été arrêtées récemment pour actes de violences et recel dans un magasin appartenant à un ressortissant somalien, qui a abattu deux hommes dans la localité de Diepsloot, le week-end dernier. Les circonstances de la fusillade ne sont toujours pas claires. L'homme a été arrêté et inculpé de meurtre.
Des résidents locaux s'étaient alors rassemblés devant la boutique, avaient lancé des pierres et pillé la boutique. La police avait dispersé la foule qui est ensuite allée piller les autres boutiques appartenant aux autres étrangers.
Dans la foulée d'une guerre aveugle et sans merci contre des étrangers, un autre ressortissant marocain a été légèrement blessé, par des dealers qui l'ont délesté de son argent et fouillé de fond en comble son échoppe, avant de prendre la fuite.
Durant trois folles semaines de violences, des dizaines de personnes ont été déplacées dans un contexte brumeux de haines et d'appréhensions qui a particulièrement coûté cher à des ressortissants venus notamment du Zimbabwe, du Mozambique, de Malawi, de Somalie ou de Tanzanie.
Selon un rapport du Consortium des réfugiés, environ 200 personnes de différentes nationalités ont été victimes de xénophobie depuis le début de l'année en cours, dans différentes villes de l'Afrique du Sud.
Une dizaine d'incidents xénophobes au cours desquels une centaine de personnes ont été la cible des violences, ont eu lieu seulement entre janvier et février 2013, rapporte la même source, rappelant que plus de 100 personnes ont été attaquées en 2011 et en 2012.
Ce n'est pas non plus un phénomène nouveau. Cela fait cinq ans que les étrangers vivant en Afrique du Sud ont été la cible d'attaques xénophobes dans plusieurs villes du pays. Les étrangers, leurs boutiques et propriétés ont été ciblés lors de protestations des locaux contre les mauvaises conditions de vie dans les townships, précise le rapport.
Pour plusieurs victimes de xénophobie, l'affaire ne s'arrête pas lorsque les foules se sont calmées et que les immigrés réintègrent leurs communautés. Ils déclarent être vulnérables après ces attaques et à être à la merci des criminels impunis. "Lors de ces incidents, on dénombre des cas de viol, de vols, d'attaques et les victimes ont souvent très peur de se rendre à la police afin de dénoncer ces incidents".
Un récent rapport d'Amnesty International accuse la police sud-africaine qui a tardé à réagir, se rendant parfois même complice des violences. Pour l'organisation, le destin de certains migrants est de croupir en prison en dehors de toute légalité.
Le gouvernement a condamné ces attaques xénophobes, rappelant que "l'Afrique du Sud est un pays démocratique qui accueille des étrangers qui vivent légalement dans ce pays'.
Selon la police sud-africaine, toutes les récentes attaques contre les étrangers, loin d'être motivées par la haine, sont d'ordre criminel. Les autorités sécuritaires oeuvrent à résoudre le problème dans la mesure où ce genre d'attaques ont été rares, durant cette année, et que toutes les mesures ont été prises pour empêcher qu'elles ne se reproduisent.
Le Greater Gauteng Business Forum (GGBF), une association de petits commerçants, a invité les commerçants étrangers qui opèrent dans les townships de la province la plus riche et la plus peuplée d'Afrique du Sud à rentrer chez eux. Le président de cette association estime que le gouvernement doit cesser de délivrer des permis de travail aux réfugiés, car ils sont une menace pour le commerce local.
Des organisations internationales et des associations de défense des droits des migrants rappellent les attaques xénophobes de 1998 ayant mis à feu et à sang plusieurs townships sud-africains. Ils tirent la sonnette d'alarme: les origines profondes de ces attaques restent toujours les mêmes et les craintes d'une exacerbation se précisent dans un contexte de difficultés économiques.
La presse locale qui a consacré, la semaine dernière, une large place à ces violences, a soutenu que peu de choses ont été accomplies pour éviter la reproduction de pareilles attaques à caractère xénophobe, tout en relevant l'urgence d'une intervention active du gouvernement, de la société civile et des organisations internationales pour parer à ce genre de problèmes.
Et de relever qu'au quotidien, la vie des immigrants africains est souvent objet de vexations, de harcèlement policier pour les nombreux Bangladeshis, Somaliens ou Ethiopiens, dont le dynamisme économique fait des jaloux auprès des Sud-Africains pauvres.
L'Afrique du Sud est le pays qui enregistre le plus grand nombre de demandes d'asile au monde (quelque 3.500 à 4.000 chaque mois), devant les Etats-Unis.
05 juin 2013, Mohamed El Kansouri
Source : MAP