Les gros bras qui chassaient les migrants ont disparu, tout comme les graffitis racistes devant l'église. Dans le quartier athénien d'Agios Panteleïmon, baromètre des succès néonazis, même l'électeur du parti Aube dorée reste discret.
Derrière le comptoir où elle vend journaux et cigarettes "depuis cinquante ans", avec vue imprenable sur la place du quartier, Lea affirme n'avoir vu que des clients approuvant la vague d'arrestations, ce week-end, contre le fondateur d'Aube dorée et ses principaux lieutenants.
"Ils auraient même dû les stopper plus tôt, tout ça est allé trop loin", renchérit Panagiotis Giannakis, employé au supermarché du quartier.
Difficile de deviner que ces rues à l'habitat fatigué, groupées autour de l'imposante église à coupole, ont été le théâtre de l'ascension du parti extrémiste propulsé en quelques années troisième force politique du pays.
En 2009, alors qu'Aube dorée (Chryssi Avghi) obtenait moins d'un pour cent des voix aux législatives, Agios Panteleïmon vivait déjà au rythme des échauffourées entre militants néonazis, anarchistes, policiers et migrants.
L'afflux récent, dans ce quartier paupérisé du centre d'Athènes, de nombreux étrangers pris au piège de la politique migratoire européenne avait porté les tensions à leur comble. Aube dorée n'a eu qu'à proposer son assistance musclée aux habitants du quartier.
L'aire de jeux du parvis de l'église, interdite d'accès par une grille, rappelle que l'endroit était devenu l'enjeu d'une "reconquête" menée par les néonazis contre les migrants qui s'y étaient installés, faute d'hébergement.
Il y a un an, lors de la campagne pour les législatives du printemps 2012 qui ont propulsé 18 membres d'Aube dorée au parlement, le jeune réalisateur Konstantinos Georgousis filmait un candidat du parti, dans son fief d'Agios Panteleïmon, éructer sa haine des étrangers, "primitifs, tares, sous-humains".
Son documentaire, "Les nettoyeurs", montre le candidat et ses affidés développer sur le marché du quartier leur rhétorique contre ceux "qui boivent notre eau, mangent notre nourriture, respirent notre air" sans grand monde pour leur porter la contradiction.
Les électeurs de Chryssi Avghi, Panagiotis Giannakis affirme les connaître: "ce ne sont pas des fascistes, ce sont des gens qui en ont assez d'avoir peur, de voir que certains étrangers ne respectent rien, que dans un appartement loué à deux immigrés, il y en a trente qui s'entassent".
Lui affirme être un fidèle électeur des socialistes du Pasok. Précision utile avant de l'entendre râler contre "les Albanais, les Géorgiens, les Roumains, les Pakistanais" qui, affirme-t-il, viennent commettre des larcins dans son magasin.
"Si plutôt ils me demandaient un paquet de pâtes parce qu'ils ont faim, je leur donnerai", assure l'employé aux 800 euros de salaire mensuel.
Sur la vitrine d'un magasin fermé, un long tract d'un "comité des habitants", datant de l'été, invite le voisinage à se mobiliser contre l'immigration irrégulière et "les criminels" qu'elle pourvoit.
A quelques mètres, le commissariat du quartier. Son ancien commandant a été arrêté mardi, soupçonné d'avoir prêté main forte aux agissements des néonazis. Une situation dénoncée depuis des années par les associations de défense des droits de l'Homme.
Mais depuis un an et demi qu'il habite le quartier, un étudiant, qui souhaite garder l'anonymat, trouve la situation très calme. "Après les interventions d'Aube dorée sur la place, il n'y a plus tous ces problèmes avec les étrangers", affirme-t-il. S'empressant d'ajouter "ce n'est pas Aube dorée qui aurait dû prendre les choses en main, c'est l'Etat".
Le discrédit général des pouvoirs publics et de la classe politique grecque, jugés largement responsables de la crise dont le pays ne parvient pas à se sortir, entache aussi de soupçon la soudaine offensive du gouvernement contre les néonazis.
"Quel intérêt politique se cache derrière ces arrestations, pourquoi maintenant ? C'est encore un subterfuge politique", assène Alexandros Charitas, 38 ans, qui se présente comme un électeur "de gauche".
Spécialiste de l'extrême-droite, auteur du "Livre noir de l'Aube dorée", Dimitris Psarras craint que cette suspicion fasse son chemin dans l'opinion publique. Les trois députés inculpés et remis en liberté mercredi -un quatrième reste détenu- ont déjà commencé leur charge contre la "conspiration politique" du gouvernement.
02 oct 2013, Sophie MAKR
Source : AFP