Astérix, le plus gaulois des personnages de bande dessinée, a été créé par deux enfants d'immigrés. Née de ce constat, l'exposition Albums, qui ouvre mercredi au Musée de l'histoire de l'immigration, se penche pour la première fois sur les liens entre immigration et 9e art.
"Au moment du débat sur l'identité nationale, en 2010, lors d'une réunion, on s'est dit que le symbole de la mentalité française était Astérix", raconte Luc Gruson, directeur général du musée.
Pourtant, les inventeurs du petit héros moustachu et colérique sont des purs produits de l'immigration: René Goscinny est né en France de parents juifs polonais avant de passer une partie de son enfance en Argentine et de sa jeunesse aux Etats-Unis. Quant à Albert Uderzo, il est d'origine italienne.
"Comment ont-ils si bien pu incarner la France ?", se sont demandé les participants à la réunion, qui ont alors l'idée de l'exposition, se rappelle M. Gruson. "Plus on creusait le sujet, plus on trouvait que ça avait beaucoup de sens".
Trois commissaires scientifiques et une conservatrice se mettent alors au travail. Ils se lancent dans des recherches, font des acquisitions (52 planches et dessins originaux ont été achetés par le musée), empruntent des planches, des esquisses et des dessins préparatoires.
Au final, près de 500 documents originaux créés par 117 artistes seront présentés de mercredi jusqu'au 27 avril au Palais de la Porte Dorée à Paris. Ironie du calendrier, une exposition consacrée à Astérix ouvre le même jour à la Bibliothèque nationale de France.
Au Musée de l'histoire de l'immigration, le parcours commence par une série de "bulles" consacrées à onze auteurs issus de l'immigration, dont Goscinny, Enki Bilal (son père était le tailleur de Tito) ou Marjane Satrapi, qui a raconté la révolution iranienne et son exil en Europe dans le célèbre Persépolis.
Pour M. Gruson, ce n'est "pas un hasard" si de nombreux auteurs viennent de l'étranger. "La BD est souvent considérée comme un art mineur, et est donc pratiquée par des gens pas installés socialement".
Superman le super-exilé
La seconde partie revient sur les différents styles empruntés pour traiter du sujet. "Au début du 20e siècle, la BD était faite avant tout pour distraire, donc l'immigré était un personnage rigolo", souligne Hélène Bouillon, commissaire muséographique.
Le premier est né en 1913 sous le crayon de George McManus dans les albums "la famille illico". Jiggs, un maçon irlandais, qui a fait fortune aux Etats-Unis, désespère son épouse avec ses mauvaises manières, alors qu'elle n'aspire qu'à pénétrer la haute société américaine...
Sous l'influence du cinéma, d'autres styles émergent (western dans les Lucky Luke, où l'étranger n'est jamais le bienvenu), science-fiction (Superman est un exilé de la planète Krypton), etc.
A partir des années 60/70, la bande dessinée devient plus intime. Autobiographies ou autofictions se multiplient. La jolie Ivoirienne Aya de Yopougon est un peu le double de Marguerite Abouet, Petit Polio celui de Farid Boudjellal.
Dans les années 80, la BD se fait militante, dénonce les naufrages en mer (Une Eternité à Tanger de Faustin Titi), les ratonnades, les contrôles d'identité... Depuis peu, elle emprunte aussi les techniques du reportage.
"Avec le temps, elle est devenue de plus en plus un médium de réflexion, qui sert à ouvrir les esprits", commente Hélène Bouillon.
Mais quel que soit le style retenu et les personnages choisis, "c'est toujours un peu la même histoire", ajoute la conservatrice. Toutes les bandes dessinées sur l'immigration racontent "le déchirement du départ, les dangers du voyage, les difficultés pour se faire accepter et les aller/retour incessants entre les deux pays".
14 oct 2013
Source : .tv5/AFP