Chaque jour, des centaines de migrants venus d'Afrique, d'Europe de l'Est mais aussi d'Asie et du Moyen-Orient, tentent de franchir les portes de l'espace Schengen. Plusieurs voies d'accès, réparties entre les frontières du Sud et de l'Est de l'Europe, sont devenues des épicentres de l'immigration clandestine.
Le naufrage de Lampedusa, qui a fait plus de 200 morts en Italie, a relancé le débat sur les politiques migratoires de l'Union européenne. Ce mardi, des discussions ont eu lieu au sein de la Commission, à Luxembourg, entre les ministres de l'Intérieur des différents pays membres, sur la politique de demande d'asile des migrants.
Mais, sauf surprise, les règles actuellement en vigueur, selon lesquelles le pays d'arrivée doit traiter ces demandes, ne devraient pas être modifiées. Un blocage qui illustre le manque de consensus des pays de l'UE en matière d'immigration, déploré par les pays du Sud, premiers concernés par les arrivages massifs de migrants.
Des portes d'entrée au Sud et à l'Est
Listées par Frontex, l'agence de surveillance des frontières européennes, mise en place en 2004, les portes d'entrées empruntées par les migrants pour pénétrer dans l'Union européenne sont au nombre de huit, réparties sur les fronts méditerranéen et oriental du Vieux Continent.
La route "ouest-africaine", via les Canaries: 170 migrants illégaux, en provenance du Maroc, de Gambie ou encore du Sénégal, y sont passés en 2012. Un chiffre en très forte baisse puisque dans les années 2000, les migrants africains arrivant dans l'archipel se comptaient en dizaines de milliers chaque année.
La route "ouest-méditerranéenne": 6.400 migrants ont franchi cette porte d'entrée, la troisième plus importante en 2012, parmi lesquels des Algériens, des Maliens, des Camerounais et des Marocains. Certains ont réussi la traversée par la mer, via le détroit de Gibraltar. D'autres tentent de passer par les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, sur la côte marocaine, malgré les gigantesques murs de barbelés qui les protègent.
La route "centre-méditerranéenne": tristement célèbre, cette voie d'accès vise l'île italienne de Lampedusa, située à proximité des côtes tunisiennes et libyennes, mais aussi la Sicile et Malte. Plus de 10.000 migrants ont réussi leur traversée par la mer en 2012, principalement des Somaliens, des Erythréens et des Tunisiens. Cette porte est aussi la plus meurtrière: selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 1.500 personnes ont péri en tentant la traversée Libye-Italie, en 2011. Les Pouilles et la Calabre: plus de 4.700 migrants ont atteint les côtes du sud de l'Italie l'an dernier, venant majoritairement d'Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh.
L'Est de la Méditerranée: la frontière entre la Grèce et la Turquie est historiquement la principale porte d'entrée en Europe. En 2012, 37.000 migrants illégaux syriens, afghans ou encore bangladais ont réussi à la franchir, malgré le mur de barbelés érigé en 2012 sur plus de 12 kilomètres pour contenir les entrées. Le passage entre l'Albanie et la Grèce a été, quant à lui, emprunté par 5.500 migrants en 2012, en majorité originaires des Balkans.
L'Ouest des Balkans: cette voie orientée vers la Hongrie et la Slovénie a enregistré près de 6.400 entrées illégales en 2012, soit 37% de plus qu'en 2011. Une hausse qui s'explique par l'entrée récente de la Croatie dans l'Union européenne.
Les frontières orientales: 1.600 entrées illégales ont été recensées l'année dernière en direction de la Finlande, de la Lituanie, de l'Estonie ou encore de la Pologne. Les migrants empruntant cette route viennent essentiellement de Géorgie et d'Afghanistan.
Les carrés rouges représentent les "portes d'entrée" empruntées par les immigrés clandestins. Cliquer dessus pour voir le détail des arrivées et les nationalités des migrants. Les vagues vertes représentent les murs de barbelés érigés pour empêcher les passages.
Des chiffres en baisse
Frontex a listé près de 73.000 entrées illégales en 2012 dans l'espace Schengen. S'il reste conséquent, le chiffre est très nettement en baisse par rapport aux années précédentes: en 2011, 41.000 migrants avaient été dénombrés aux mêmes frontières, un pic lié aux "printemps arabes", et plus de 104.000 en 2010.
Il s'agit donc de la première année, depuis la création de l'agence, où le nombre de migrants passe en dessous de la barre des 100.000. Cette baisse de près de 50 % en un an peut s'expliquer par le renforcement des contrôles et des patrouilles aux endroits clés. Parmi les nationalités les plus représentées chez les migrants: les Syriens (13%), les Albanais (12%) et les Afghans (11%).
Des mesures de contrôle
Avec un budget en baisse de trente millions d'euros ces deux dernières années, Frontex, malgré des résultats visibles, manque de moyens pour assurer une surveillance efficace des frontières. Le dispositif sera bientôt renforcé par Eurosur, le nouveau programme européen visant à renforcer la coordination entre les Etats membres de l'UE pour repérer et pister les navires transportant des migrants en danger, et qui devrait être mis en place début décembre.
Le Parlement européen doit encore définir les modalités du dispositif, pour lequel une enveloppe de 244 millions d'euros est prévue pour la période 2014-2020. Au côté de ces dispositifs de surveillance, des barrières physiques ont été érigées à des points stratégiques de l'espace Schengen.
Ainsi, des barrières de barbelés équipées de capteurs électroniques de bruit et de mouvements, ainsi que de caméras à vision nocturne, séparent depuis quelques années déjà les enclaves espagnoles Ceuta et Melilla de leur voisin marocain, permettant de réduire les passages (voir photo ci-contre). En 2012, le même type de mur a été mis en place entre la Grèce et la Turquie, sur une douzaine de kilomètres, renforcé de vingt-cinq caméras thermiques.
(BFMTV.com fait le point, carte à l'appui, sur les voies d'accès empruntées par les migrants, souvent au péril de leur vie, pour pénétrer dans l'espace Schengen).
09/10/2013, Adrienne Sigel et Olivier Laffargue
Source : bfmtv.com