A l’occasion du Forum «Libé» de Rennes consacré au monde de demain, la politologue Catherine Wihtol de Wenden nous a donné son éclairage sur les perspectives migratoires de la France à l’horizon 2030.
La France s’inquiète de la fuite de ses cerveaux. Est-ce un phénomène qui risque de s’accentuer ?
Sans doute, s’il n’y a pas de reprise rapide sur le marché de l’emploi français. Il est difficile d’y entrer pour les nouveaux diplômés. Ces jeunes tentent donc leur chance à l’étranger, où en général, l’entrée se fait plus facilement. C’est un détour qui leur permet de booster leur CV. Toutefois, il est inutile d’être dramatique à ce propos : on a davantage à faire à un changement de mentalités qu’à un véritable exil de la jeunesse. Cette génération est née avec l’Europe, à leurs yeux, le marché du travail est européen et ils peuvent vivre dans les pays voisins sans se sentir expatriés.
Voit-on apparaître de nouvelles formes de mobilité ?
On assiste à un mouvement des retraités souhaitant vivre de leur pension au soleil dans des pays où la vie est peu chère. On voit aussi émerger ce qu’on appelle «le ryadisme», une pratique consistant à acheter des vieilles bâtisses dans des pays du Maghreb pour ensuite les louer. Beaucoup de Français partent développer le tourisme à l’étranger.
A l’inverse, va-t-on vers une intensification de l’immigration en France ?
Il y a actuellement 3,5 millions d’étrangers en France, et ce chiffre est resté fixe durant les vingt dernières années. Pourtant les arrivées ont continué, sous forme de regroupement familial, de réfugiés politiques ou de sans-papiers. Mais ce phénomène reste masqué car en parallèle, le flux de migrants est assimilé grâce aux naturalisations et à des retours au pays. Et cela continuera très certainement à l’avenir.
Est-ce que des nouvelles nationalités d’émigrés pourraient arriver dans les prochaines années ?
Traditionnellement, la France a connu des migrations provenant de Pologne, d’Italie, puis d’Afrique noire ainsi que du Maghreb. Cependant, ces dernières années, on a assisté à une diversification de l’immigration. Et cette diversification devrait s’accélérer. On assiste à l’arrivée de Pakistanais, d’Egyptiens ou de Bangladeshis.
L’intégration de ces nouvelles populations ne risque-t-elle pas d’être difficile avec la faiblesse du marché de l’emploi ?
En général, les nouveaux immigrés réussissent à se positionner sur un emploi de niche, auquel ils accèdent grâce à des connaissances déjà sur place. Ils prennent donc souvent le même emploi que leurs compatriotes et c’est ainsi qu’on assiste à la multiplication des fleuristes pakistanais dans le métro parisien ou des vendeurs de rose bangladeshis.
Romain Houeix, étudiant en journalisme à l'IEP de Rennes
11/4/2014
Source : Libération