La dure réalité de la descendance des Marocains restés au Vietnam.
Une histoire à laquelle tenait beaucoup Sanae El Younoussi, celle des Marocains restés en Indochine. «C'était en 1990 quand un ami journaliste m'a fait part d'un projet qu'il devait réaliser sur les familles de soldats marocains qui sont restés au Vietnam parce qu'ils ne pouvaient pas prouver la descendance de leurs enfants de pères marocains. Mais, comme il n'a pas réussi à le faire, j'ai décidé de prendre l'initiative de réaliser un documentaire exposant la souffrance de ces familles qui n'ont pas pu avoir la nationalité marocaine faute de preuves tangibles», souligne la réalisatrice Sanae El Younoussi.
Les événements de cette histoire ont pris naissance dans les années 40 quand de jeunes Marocains ont été engagés dans la guerre de la France en Indochine. Mais, les choses ont pris un autre cours dès l'annonce de l'exil du Roi Mohammed V. Ce qui a poussé certains soldats marocains à déserter l'armée française et rejoindre les forces de Ho Chi Minh. Sur le sol vietnamien, ces soldats ont vécu et épousé des femmes vietnamiennes avant leur retour ensemble au Maroc après des années de tentatives désespérées. Mais, il se trouve que trois familles sont encore là-bas à cause de la mort des pères et l'incapacité des mères de prouver la descendance de leurs enfants de pères marocains.
Estimant mettre fin aux quarante années de solitude de ces enfants, considérés aussi étrangers dans le pays de leurs mères, Sanae El Younoussi s'est lancée dans cette aventure combien pénible et dont les procédures sont très longues. «Pour commencer, je suis allée voir les cinq familles qui sont arrivées à entrer en 1972 au Maroc du vivant des pères respectifs. Elles vivent toutes dans une ferme à Sidi Yahya. Au moment où je les ai contactées, j'ai pu aussi filmer (2011-2012) avec le seul père encore vivant. Puis, je me suis déplacée au Vietnam pour rencontrer les trois familles qui étaient contraintes de rester sur ce sol subissant tous les supplices d'un citoyen considéré toujours comme étranger à la Nation, vu qu'ils parlent arabe et portent des noms arabes», explique-t-elle.
Ce documentaire, reflétant une vérité amère avec une portée humaine très touchante, met à nu des souffrances qui ont duré une quarantaine d'années, sans que les concernés ne voient le bout du tunnel. «Je souhaite que mon documentaire puisse avoir un impact positif et fasse en sorte de mettre fin à ce problème. J'ai essayé par tous les moyens d'intervenir pour aider ces familles à trouver une solution. Je suis même allée voir le Procureur du Roi à Rabat et le Conseil national des droits de l'Homme qui m'ont promis de régler cette situation incroyable, afin que le rêve de ces familles devienne réalité et que les 12 enfants (vivant encore au Vietnam) puissent retrouver le pays de leurs pères respectifs et les 3 mères celui de leurs époux».
C'est avec courage et abnégation que Sanae El Younoussi prend cette affaire en main afin de rendre justice à ces oubliés de l'histoire.
Parcours
Journaliste-reporter depuis 1999, Sanae El Younoussi a collaboré avec plusieurs chaînes de télévision telles la BBC World-Radio, 2M... et réalisé des documentaires et des entretiens avec de grandes personnalités politiques aussi bien marocaines qu'étrangères. «The Road to Sahara» sur le conflit saharien opposant le Maroc au front du polisario, «La révolution des jeunes cèdres», abordant la guerre entre Israël et Hizbollah et «La guerre oubliée» ayant fait part de la crise au Darfour, avec une interview exclusive de l'opposant soudanais Hassan Attourabi, figurent parmi ses documentaires qui ont frappé par l'importance des sujets et leur traitement professionnel. Les travaux de Sanae El Younoussi ont été présentés dans plusieurs festivals spécialisés, dont les TRT Istanbul, FIFDH Genève, UTRI Monte-Carlo et AIDFF Doha. En plus de la production de plusieurs programmes et documentaires, Sanae El Younoussi a lancé une maison de production indépendante basée à Rabat pour contenu télévision web et accompli des projets pour différents médias en français, arabe et anglais.
28 Mai 2013, O.B
Source : LE MATIN