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Comment améliorer le sort des retraités maghrébins?

Présenté ce matin, le rapport d'Alexis Bachelay, député PS des Hauts-de-Seine, livre 82 propositions pour aider les 800 000 chibanis de France à vieillir plus dignement. Rencontres.

Adeline Daboval | Publié le 3 juil. 2013, 07h00 Foyer Adoma de Gennevilliers (92), hier matin. Assis sur un banc, Moubarak Laghoui, 78 ans, discute au soleil avec ses amis. « Chez moi, c'est ici et là-bas », résume-t-il dans un grand sourire. Moubarak est un chibani. Arrivé d'Agadir au Maroc en 1957, à l'âge de 18 ans, il a travaillé toute sa vie en France. A la retraite, Moubarak partage sa vie entre la France et le Maroc, où vit encore sa famille. Ils sont quelque 800000 dans son cas, avec un statut administratif compliqué, qu'un rapport de la « mission d'information parlementaire sur les immigrés âgés » préconise d'améliorer.

Moubarak a fait tous les métiers : il a fabriqué des robinets de bronze à la fonderie de Clichy, a été chauffeur-livreur, peintre maçon, poseur d'enduit. Il a aussi travaillé dans les usines Simca et Renault, ou pour le géant Chausson, aux grandes heures de l'automobile. Mais il n'a jamais évolué. « Je n'ai pas été à l'école. Il faut savoir tenir un stylo pour être contremaître. Moi, je n'avais que ça et ça », explique-t-il en désignant ses bras et en faisant le geste d'essuyer la sueur sur son front. Malgré son amour de la France, Moubarak n'a pas voulu faire venir sa famille du pays dans le cadre du regroupement familial. « Mes enfants étaient mieux là-bas. Je travaillais toute l'année et je prenais mon mois de congés payés pour rentrer. » Aujourd'hui il touche une retraite « correcte », mais ne se voit pas faire un choix entre ses deux pays. « J'aime ma liberté. Quand je suis là-bas, je pense à revenir ici. Et quand je suis ici, à repartir là-bas... »

Comme lui, Mohammed Sofi, 74 ans, vit dans une minuscule chambre de 8 m2 dans le foyer Adoma de Gennevilliers. Il partage douches, toilettes et cuisine collectifs à l'étage avec seize autres résidents, dont beaucoup de chibanis. Aujourd'hui, l'ascenseur est en panne. Alors Mohammed attend dans le hall qu'il soit réparé. « Comme beaucoup d'anciens ouvriers, j'ai mal aux reins. Alors je ne peux pas monter au sixième étage par les escaliers », explique cet homme aimable. La femme de Mohammed et ses sept enfants sont restés en Algérie, dans un village proche de Constantine. Malgré ses conditions de vie précaires au foyer de Gennevilliers, il reste en France. Il n'a pas le choix. Carrière non linéaire ou papiers égarés? Pour l'administration française, en 50 ans de présence, Mohammed n'a cotisé que 22 ans. « A cette époque, on marchait dans la rue et quelqu'un nous disait « Monsieur, vous cherchez du travail? » se souvient-il comme d'un âge d'or.

Ma retraite de base s'élève à 260 €. Je perçois l'allocation de solidarité aux personnes âgées (NDLR : l'Aspa, l'ancien minimum vieillesse) de 700 €, ce qui porte mes revenus à 1000 €. Mais il y a une condition pour toucher cette aide : vivre au moins six mois en France ». Cette condition de résidence, certains chibanis la vivent comme une véritable injustice. «

On a travaillé dur toute notre jeunesse. Si on passe un jour de plus au pays, ils regardent les passeports. Non seulement, on ne touche plus rien mais on doit rembourser tout ce qu'on a touché », dénonce Mohammed. Qui assène : « C'est du chantage. Beaucoup finissent par mourir ici. »

Au point que certains résidents ont surnommé leur chambre au foyer « le cercueil de la vie », parce que « ça ressemble à une petite boîte où l'on attend la mort. » Alors la préconisation du rapport parlementaire d'Alexis Bachelay qui prévoit la conservation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, même en cas de retour au pays, Mohammed estime qu'il l'a bien méritée. « Je ne sais pas si je ferai le choix de rentrer définitivement en Algérie. Mais au moins j'aurai le choix.

Aujourd'hui, nous sommes comme des prisonniers. »

3/7/2013, Adeline Daboval

Source : Le Parisien

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