Pour la première fois, en 2011, le cap des 200.000 migrants a été dépassé. Tendance marquante : le flux d'arrivées (138.071 immigrations) diminue, alors que les départs (65.951 émigrations) augmentent. Edouard Delruelle, qui a terminé ce jeudi un mandat de 6 ans au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, a répondu aux questions.
Quel politique migratoire faut-il mettre en place, en Belgique ?
Edouard Delruelle : Une politique migratoire requiert l'effort de 3 partenaires : la société d'accueil, qui doit être ouverte (c'est loin d'être le cas), les migrants, qui doivent faire l'effort de s'intégrer (ce n'est pas toujours le cas) et l'État, qui doit être très clair sur le « contrat social » qui nous lie tous et qui doit travailler à la cohésion et à l'homogénéité. C'est sur ce dernier point que je suis parfois mal compris (à l'intérieur du Centre même), quand je répète à quel point, des valeurs comme la neutralité de l'État ou l'égalité homme/femme sont essentielles.
Ne pensez-vous pas, que ces chiffres peuvent être mal interprétés ou encore mal utilisés ?
E.D. : Nous sommes bien d'accord que les chiffres de la migration doivent être interprétés et expliqués. C'est pourquoi le Centre réalise un Rapport annuel Migration très complet, qui fait autorité (même chez nos « adversaires »). Je ne suis jamais partisan de cacher des chiffres, même si certains peuvent être mal utilisés. Il faut alors expliquer, expliquer, toujours et toujours...
Que répondez-vous, à tous ceux qui estiment que l'immigration n'est pas nécessaire ?
E.D. : Je n'ai jamais dit que l'immigration était nécessaire, je dis qu'elle est un fait. Dans le monde d'aujourd'hui, croire qu'on va verrouiller complètement les frontières, ou pouvoir choisir les quelques « happy-few » dont nous avons juste besoin, c'est de l'utopie. La corrélation entre chômage et immigration n'a pas de sens sur le plan économique (ce serait si facile !). Concernant le regroupement familial, oui c'est la principale porte d'entrée (+-40 %), mais c'est un droit fondamental : vivre avec sa femme, son mari ou ses enfants (on ne parle même pas des frères, encore moins des cousins). Les conditions pour opérer le regroupement familial sont très restrictives (revenus, logement). Et la lutte contre les mariages simulés est une priorité des autorités. Croire qu'on peut faire venir sa famille sur simple demande, c'est faux.
En 6ans à la tête du Centre pour l'égalité des chances, estimez-vous que la Belgique a amélioré sa politique en ce domaine ?
E.D. : Depuis 6 ans au Centre, la politique migratoire ne s'est pas améliorée, il n'y a pas de politique migratoire ! IL y a une « police » migratoire, mais pas de politique, point. Par exemple, la connaissance de la réalité migratoire reste insuffisante. Le Centre plaide par exemple pour le « suivi longitudinal » des migrants depuis leur arrivée jusqu'à leur intégration définitive, pour évaluer les politiques et les adapter. On est loin du compte...
14 juin 201, Andrea Di Nicola (st.)
Source : Le Soir