dimanche 24 novembre 2024 23:40

Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France

Quel est le point commun entre l'écrivain Apollinaire, la maison Hermès ou le philosophe Bergson ? Ils figurent dans un Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France, composé après moult "débats" sous la direction de l'historien Pascal Ory.

"S'interroger sur l'identité nationale, c'est bon pour tout le monde, à condition d'éviter toute diabolisation", déclare à l'AFP ce professeur d'histoire à la Sorbonne, qui portait depuis une trentaine d'années l'idée de cet ouvrage.

"La France est un grand pays d'immigration. Mais contrairement aux Etats-Unis, notre mythe national met plutôt l'accent sur l'unité de la Nation", ce qui contribue parfois à occulter l'apport des étrangers, poursuit-il.
Le dictionnaire "rappelle une évidence": "tous les aspects de notre vie politique, économique, culturelle sont irrigués par l'immigration".

Mais une fois ce constat posé, il restait le plus dur à faire: "choisir" les communautés ou les individus dignes de figurer dans cet opus, qui commence en 1789 avec la proclamation de la "Nation française".

Avec la soixantaine d'auteurs des notices, "nous avons passé notre temps à discuter où faire passer la frontière", raconte M. Ory.

Pour distinguer les étrangers, les auteurs se sont entendus sur un critère juridique: être né sous statut étranger. "Il fallait de la rigueur, sinon on aurait pu entrer dans des logiques racistes", explique l'historien.
Les Belges et les Suisses francophones, comme Hergé, Jacques Brel ou Annie Cordy, figurent dans le dictionnaire "même si ça peut paraître absurde d'intégrer des gens tellement proches culturellement".

A l'inverse, exit les bi-nationaux (Marguerite Yourcenar), les descendants d'immigrés (Zinedine Zidane) ou les natifs d'anciennes colonies (Léopold Sédar Senghor).

Casanova, Chopin et les manouches

Les auteurs ont également dû répondre à la question: "Qu'est-ce que faire la France ?"

"On a plutôt privilégié le choix de la langue et de la culture française à la notion de territoire", explique M. Ory. Ce qui a conduit à intégrer Casanova parce qu'il a rédigé son œuvre en français.

Tous les secteurs sont pris en compte: les arts (le peintre Pablo Picasso ou le musicien Frédéric Chopin), l'entreprise (Marcel Bich, le père des stylos Bic, ou le PDG de Renault Carlos Ghosn), le sport (le premier vainqueur du Tour de France Maurice Garin ou le footballeur Basile Boli)...

Au final "on peut bien entendu avoir des regrets, et certains repèreront sans doute des erreurs, mais on a été plutôt souple et extensif", selon M. Ory.

Au côté des 1.112 notices individuelles, des notices collectives mentionnent les foules d'anonymes. On y découvre le rôle des ingénieurs britanniques au début de l'industrialisation, des manouches dans la diffusion du cinématographe, ou des dockers sénégalais à Marseille après la Seconde guerre mondiale.

De cette galerie de portraits ressortent deux constats.

D'une part, "la France a été et reste un pays très attractif pour des raisons économiques, mais aussi parce qu'elle offre un refuge en terme de liberté", souligne M. Ory. "Elle attire aussi les artistes parce qu'elle passe pour un pays accordant une grande importance à la culture".

Et selon lui, "le mouvement d'immigration se poursuivra malgré la multiplication des barrières".

D'autre part, "si la plupart des étrangers ont été mal accueillis. A l'échelle historique, c'est l'intégration qui l'emporte."

2/10/13, Charlotte PLANTIVE

Source : AFP

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