dimanche 24 novembre 2024 23:54

France : des cimetières à repenser à Evreux

Religion. Afin de permettre aux membres de la communauté musulmane d'être inhumés selon leurs rites, le maire d'Évreux encourage ses homologues de l'agglomération à créer des carrés confessionnels.

Après avoir joué un rôle de « facilitateur » dans le dossier de la mosquée d'Évreux, Michel Champredon, maire d'Évreux et président du Grand Évreux agglomération, encourage ses collègues du GEA à créer des carrés musulmans dans le cimetière de leur commune, « ainsi que le prévoit la législation ». C'est ce qu'il a annoncé dans un dépliant sur la mosquée d'Évreux distribué dans les boîtes aux lettres des Ébroïciens.

Des tombes orientées vers La Mecque

« C'est une bonne chose », convient Mustapha M'Bodji, de l'Association des musulmans d'Évreux (AME). Si, selon lui, « il n'y a pas de discussion pour les anciennes générations qui retournent au bled », c'est-à-dire le pays d'origine, « la question se pose pour nous, les quadras, qui sommes nés et vivons ici. Il est de plus en plus démontré que les gens achètent des maisons en dehors d'Évreux. Il serait bien qu'il y ait un carré dans chaque commune proportionnellement au nombre de musulmans. »

La ville d'Évreux possède un tel carré depuis 1997 au cimetière du Parcs des Ifs, dans le quartier de La Madeleine. Mais cet « espace musulman » de cent quatre emplacements est pratiquement entièrement occupé. La municipalité a bien en projet d'étendre cette zone en déplaçant l'actuel carré des indigents, mais cela ne saurait répondre aux demandes des musulmans des autres communes qui sollicitent le premier magistrat afin d'être inhumés dans le carré ébroïcien faute d'en trouver ailleurs. Le Code général des collectivités territoriales stipule en effet, rappelle le cabinet du maire, « qu'un défunt ne peut être inhumé que dans la commune où il a habité, ou dans laquelle il est décédé, ou dans laquelle est situé le caveau familial ».

Si cette question d'un carré confessionnel est si importante pour les musulmans d'Évreux et son agglomération, c'est parce que leur religion leur impose des rites stricts d'inhumation. La première étant que les tombes soient orientées vers La Mecque. « Les cimetières ne sont pas pensés pour, déplore Pape Kabo. D'où la réticence de certaines personnes à être inhumées en France alors qu'en général, un musulman souhaite être enterré là où la mort le trouve. Un second carré dans l'agglomération ne ferait pas de mal. »

L'Ébroïcien de 51 ans est membre de plusieurs associations (l'Association socioculturelle Évreux 109, l'Union cultuelle musulmane d'Évreux, l'Association pour l'intégration en France, les Tijanis d'Évreux). À ce titre, il est régulièrement en relation avec les membres de sa communauté. « C'est une vraie préoccupation car il y a la question de la proximité. Quand la fin de vie arrive, il est bon de garder le lien dans un lieu accessible pour ceux qui restent. »

Une circulaire du ministère de l'Intérieur du 19 février 2008 explique la réglementation quant à la création de carrés confessionnels. Elle stipule que « si le principe de laïcité des lieux publics, en particulier les cimetières, doit être clairement affirmé, il apparaît souhaitable, par souci d'intégration des familles issues de l'immigration, de favoriser l'inhumation de leurs proches sur le territoire français. Le maire a en effet la possibilité de déterminer l'emplacement affecté à chaque tombe et donc de rassembler les sépultures de personnes de même confession, sous réserve que les principes de neutralité des parties publiques du cimetière et de liberté de choix de sépulture de la famille soient respectés. » Les préfets étaient ainsi conviés à « encourager les maires à aménager, en fonction des demandes, des espaces regroupant les défunts de même confession. »

Un groupe de travail pour l'Aïd

Dans ce même document distribué dans les boîtes aux lettres des Ébroïciens, Michel Champredon annonce la création d'un groupe de travail chargé de plancher sur la préparation de l'Aïd 2014.

Selon le maire d'Évreux, ce groupe de travail « aura à examiner en particulier deux axes d'amélioration dans la gestion de l'abattage rituel des moutons : la mise en place d'un réseau d'agriculteurs qui s'équiperaient pour les abattages ou encore la création d'un abattoir mobile adapté, financé par les pratiquants. »
Devançant les critiques qui pourraient lui être faites de bafouer la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État, Michel Champredon réaffirme : « Il ne s'agit pas de revenir sur la loi de 1905. Elle est une des pierres angulaires, incontournables et inaliénables, de la laïcité. Il n'appartient pas non plus aux autorités publiques de porter un jugement sur ce rituel. »

Réflexions inabouties

Et de poursuivre : « L'abattage rituel des animaux est un vrai sujet de société, de salubrité publique et de santé. Il est donc de notre devoir de veiller à sa bonne organisation et de nous impliquer collectivement pour permettre à nos concitoyens musulmans de fêter dignement l'Aïd, dans le respect des lois, de la sécurité sanitaire des consommateurs, des animaux et de l'environnement ».

Pour la communauté musulmane qui s'apprête à célébrer l'Aïd-el-Kébir mardi 15 octobre, ce groupe de travail ne peut être qu'une bonne chose. « Aborder la question du nombre de bêtes à abattre, des lieux pour le faire et des sacrificateurs, c'est-à-dire de personnes formées pour égorger la bête, c'est déjà intéressant mais cela ne veut pas dire que l'on trouvera une solution », déclare Pape Kabo.

Faut-il encore que les échanges aboutissent. Car ce n'est pas la première fois que de telles réflexions sont engagées. Il y a trois ans, les associations cultuelles, les institutions et les professionnels s'étaient déjà retrouvés autour d'une même table. En vain. Les associations et un industriel avaient alors présenté un projet d'abattoir mobile. Idée qui n'a pas été retenue du fait d'une « insuffisance de respect de la réglementation pour la préfecture de l'Eure », souligne le communiqué du maire.
Pour Pape Kabo, qui a déjà participé par le passé à des groupes de travail similaires, il est « important de tenir compte des règles sanitaires mais il ne faut pas perdre de vue l'aspect économique pour les éleveurs qui, à cette occasion, voient une hausse de leur chiffre d'affaires ».

16/09/2013

Source : paris-normandie.fr

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