lundi 25 novembre 2024 00:00

France/Embauches : 40 % de chances en moins d'obtenir un entretien avec un nom étranger

Des chercheurs du Cepremap ont répondu à des offres d'emploi en ne changeant que les noms sur les 3.000 faux CV envoyés. Les résultats témoignent de la persistance en France d'un fort degré de discrimination lié aux origines. Ce dernier frappe bien plus fortement les hommes que les femmes.

La méthode est redoutable, le résultat désolant. L'institut des politique publiques a publié ce lundi une note reprenant les résultats d'une campagne de « testing » menée par les chercheurs Nicolas Jacquemet et Anthony Edo, du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), auprès de 504 offres d'emploi recueillies de septembre 2011 à février 2012 en Ile-de-France, dans le secteur de la comptabilité (assistant, secrétaire, comptable). Le principe : pour chaque offre, six faux CV aux caractéristiques semblables mais en changeant le nom des candidats ont été envoyés. Les six fausses identités utilisées sont à chaque fois un homme et une femme, avec un nom à consonance française (Pascal Leclerc, Sandrine Rousset) un nom à consonance maghrébine (Rachid Benbalit, Samira Benounis) et un nom à consonance étrangère mais qui « n'est associé par les employeurs à aucune origine particulière » (Jatrix Aledgi, Allissa Havad).

« Concours de scrabble et mots croisés »

Il en ressort que la discrimination reste forte en France : « La probabilité d'être contacté pour un entretien d'embauche est 40 % plus faible pour le candidat issu de l'immigration », concluent les auteurs. Concrètement, Pascal Leclerc et Sandrine Rousset ont été convoqués dans 17,3 % des cas, contre 9,9 % pour le couple « maghrébin » et 10,1 % pour le couple « étranger ». Cette quasi « égalité » entre candidats identifiés comme non français d'origine tend à prouver, note l'étude, que « cette inégalité de traitement ne semble pas pouvoir être imputée à une défiance ciblée à l'encontre des candidats d'origine maghrébine ». Autre apprentissage : les discriminations liés au nom sont bien plus marquées chez les hommes que chez les femmes.

L'étude pointe aussi le poids de la maîtrise de la langue, la peur de manques en ce sens étant un argument souvent avancé par les employeurs pour expliquer les taux de rappel moindres de candidats d'origines étrangères. Pour mesurer cet effet, un CV sur deux contenait un « signal de maîtrise de la langue », par exemple « soutien scolaire en français » à la rubrique expérience professionnelle ou « participation à des concours de scrabble et de mots croisés » à la rubrique loisirs.L'impact est net : avec un tel signal, le taux de rappel passe de 8,3 % à 11,5 % pour les candidatures à consonance maghrébine, de 8,7 % à 11,5 % pour les noms à consonance étrangère. Avec, là aussi, une prime bien plus nette aux femmes.

Le CV anonyme ne serait pas la panacée

On pourrait y voir un plaidoyer en faveur de l'instauration du CV anonyme. En 2006, il a même été imposé par la loi mais celle-ci ne s'est jamais appliquée, le gouvernement n'ayant jamais publié le décret d'application nécessaire. L'étude rappelle pourtant que cette solution ne serait pas la panacée en citant une précédente étude menée en 2011 par l'Ecole d'économie de Paris en collaboration avec Pôle Emploi, qui conclut que les discriminations entre candidats français d'origine et issus de l'immigration... s'accentuent avec le CV anonyme ! Avec des CV nominatifs, les candidats issus de l'immigration ont une chance sur dix d'obtenir un premier entretien, contre une chance sur huit pour les candidats français perçus comme des « natifs ». Lorsque le CV est anonyme, cet écart passe à une chance sur vingt-deux contre une chance sur six.

Deux phénomènes semblent l'expliquer : la particularité des entreprises volontaires pour participer à l'expérimentation et la réinterprétation des informations contenues dans le CV lorsque le bloc état civil est effacé. Ainsi, lorsque le CV est anonyme, une présentation maladroite, la présence de fautes d'orthographe ou un parcours professionnel marqué par de fortes difficultés d'accès à l'emploi seraient jugés plus sévèrement par le recruteur que si l'identité venait attester que le candidat est issu de l'immigration.

Selon une étude, un fort degré de discrimination lié aux origines persiste en France. - Reuters

07/10/13, Derek Perrotte

Source : lesechos.fr

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