C'est ce que l'on pourrait appeler une saine lecture, surtout en ces temps de confusion des lignes politiques à droite et de débat électoraliste puant sur l'immigration : « Le dictionnaire des étrangers qui ont fait la France » de Pascal Ory, paru aux éditions Robert Laffont.
Quel est le point commun entre Marie Curie, Guillaume Apollinaire et la maison Hermès ? La réponse est moins évidente que lorsque l'on pose la question pour Nagui, Basile Boli et Charles Aznavour. Et pourtant il s'agit de la même réponse. Tous sont des étrangers qui ont « fait la France » au sens où Pascal Ory l'entend. Cet historien spécialiste de l'identité nationale ne devait pas imaginer que son ouvrage aura un si bel écho dans l'actualité. Et pourtant.
Marqué de leur empreinte l'histoire de la France
« S'interroger sur l'identité nationale, c'est bon pour tout le monde, à condition d'éviter toute diabolisation. La France, c'est un évidence, est un grand pays d'immigration comme les Etats-Unis ou l'Australie ». Pour ce professeur de la Sorbonne, pas de doute, hier comme aujourd'hui, ils sont nombreux dans les sciences, les arts, la littérature, la médecine, l'entreprise, la chanson, la télévision, la politique... à avoir marqué de leur empreinte l'histoire de la France. La liste publiée dans ce dictionnaire est longue et difficilement exhaustive.
« Un petit Français de sang mêlé »
En politique justement, pas sûr qu'aujourd'hui la petite phrase de Nicolas Sarkozy aurait pu sortir de sa bouche. Celui qui se définissait en 2007 comme « un petit Français de sang mêlé » n'aurait certainement pas tenu ce propos en cette fin octobre 2013. Après « l'affaire Leonarda », on se déchaîne à l'UMP pour remettre en cause le droit du sol, le regroupement familial et la politique d'immigration dans son ensemble.
Exit les Français d'origine étrangère
Pascal Ory s'est entouré d'une soixantaine d'auteurs avec qui il a définit ce que l'on mettait derrière le terme « étrangers ». Les Belges et les Suisses francophones figurent dans le dictionnaire. A l'inverse, exit les bi-nationaux (Marguerite Yourcenar), les descendants d'immigrés (Zinedine Zidane) ou les natifs d'anciennes colonies (Léopold Sédar Senghor). Une méthode critiquable mais qui a pour but d'éviter de tomber dans les « travers du racisme », explique l'historien.
L'exemple de Pierre Cardin
Cet ouvrage fait donc du bien. Une galerie de portraits qui représente une grande bouffée d'air frais en ces temps sclérosés de crise et d'acharnement sur les étrangers. En plus de bousculer les idées reçues, on y apprend beaucoup de choses. Par exemple, Pierre Cardin est l'un des Français les plus connus au monde. Il est né Pietro, en Italie dans la région de la Vénétie. Sesparents étaient de petits agriculteurs qui ont décidé en 1924 de venir tenter leur chance en France. La suite de l'histoire, on la connaît et Pierre Cardin sera élu à l'Académie des beaux-arts.
« Le dictionnaire des étrangers qui ont fait la France » est donc un ouvrage d'utilité publique donc, pas uniquement en France, à l'heure où le populisme prospère un peu partout en Europe, de la Grèce aux Pays-bas.
« Le dictionnaire des étrangers qui ont fait la France » de Pascal Ory (G), aux éditions Robert Laffont.
24 octobre 2013