Ils risquent leur vie en traversant la Méditerranée en quête d'eldorado. Mais comment éviter de nouveaux drames?
Cécile Vanderstappen vous êtes responsable du dossier « Recherches et plaidoyer- migration » au CNCD-11.11.11. Face à ce nouveau drame de l'immigration, on cherche des responsables.
Ces drames résultent notamment d'une accentuation de la politique sécuritaire de l'Union européenne. On présente trop souvent l'immigration comme une invasion d'un nombre de migrants qui augmente de jour en jour. Or, les flux migratoires vers l'Europe représentent 3 à 4 % des flux migratoires internationaux. Ce n'est rien du tout. L'Europe s'invente un ennemi. C'est d'ailleurs le slogan de la campagne « Frontexit » qui vise à dénoncer l'arbitraire aux frontières et la politique migratoire de l'UE.
Plus on ferme des portes de migration, plus les migrants essayent d'autres routes. Ces routes migratoires sont plus dangereuses et causent de plus en plus de morts et de violences, notamment à cause des passeurs.
Comment l'Europe agit-elle pour verrouiller les portes d'entrée ?
L'Europe, par exemple, crée de plus en plus de partenariats avec la Corne de l'Afrique de l'ouest et les pays de la Méditerranée. L'UE externalise la gestion des frontières. L'Europe signe des accords avec des pays pour qu'ils contrôlent eux-mêmes leurs frontières. Ils travaillent en partenariat pour essayer de bloquer toutes les routes migratoires possibles. Les personnes qui veulent sortir sont confrontées à un contrôle dans leur pays d'origine et à un contrôle aux portes de l'Europe. Le contrôle a pris le pas sur l'accueil et l'aide.
Quelle est la responsabilité de l'agence européenne Frontex chargée du contrôle des frontières ?
Frontex affirme patrouiller les mers pour sauver des vies. Dans les faits, très peu de bateaux arrivent jusqu'aux cotes européennes. Ils sont directement stoppés, arrêtés et refoulés vers leur pays d'origine ou vers les pays de transit. C'est de plus en plus fréquent. Les agents de Frontex font du refoulement. Les cas se multiplient actuellement à la frontière greco-turque. Ils ne respectent pas la convention de Genève. Ils violent le droit international.
Frontex avance que c'est la responsabilité des États membres. Les États, eux, rétorquent qu'ils ont été intégrés dans une opération de Frontex et que l'agence est responsable. Il y a une dissolution tout à fait voulue des responsabilités. Pour le moment, on n'a aucun moyen de recours pour faire valoir les droits des personnes refoulées.
Quelle est la solution ?
La seule alternative viable est une liberté de circulation et d'établissement. Mais cette question reste complètement taboue. L'UE a pourtant des budgets qui permettraient d'accueillir beaucoup plus de demandeurs d'asile. Cette discussion devra venir sur le tapis car de nombreuses études montrent que c'est tout à fait réalisable et que c'est gagnant-gagnant pour toutes les parties.
Il faudra aussi que l'Europe assume la responsabilité des dégâts qu'elle peut causer. Ces personnes sont entrées dans des circuits de migration forcée parce que l'Europe, les politiques commerciales et climatiques, ont fait des dégâts dans leur pays d'origine.
L'UE se trompe de politique ?
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. L'Europe reconnaît qu'elle ne parvient pas à limiter les flux migratoires comme elle le souhaite. C'est pourquoi elle signe des partenariats. Elle a pourtant un devoir de solidarité et elle a signé des conventions internationales.¦
04 octobre 2013, Catherine DEHAY
Source : lavenir.net