L'Allemagne veut enrayer la fatalité: le déclin démographique du pays ne doit pas entraîner dans sa chute la prospérité économique. Pour y parvenir, la première économie européenne veut devenir plus attractive pour les immigrés qualifiés, censés compenser les pénuries de main-d'œuvre dans l'industrie et les services outre-Rhin. À l'ouverture du sommet pour l'intégration organisé à la Chancellerie, mardi à Berlin, le ministre allemand de l'Économie, le libéral Philipp Rösler, a ainsi brisé un tabou en réclamant l'attribution de la double nationalité aux immigrés.
«Trouver de la main-d'œuvre est l'un des plus grands défis pour l'économie allemande, a souligné Philipp Rösler. Les ressortissants nationaux ne suffiront pas à couvrir les besoins. Je suis persuadé qu'il nous faudra plus de main-d'œuvre qualifiée venant de l'étranger. Et la double nationalité est une incitation supplémentaire, pour attirer cette main-d'œuvre. Cela créerait une véritable culture de l'accueil.»
Le ministre de l'Économie et vice-chancelier, issu du FDP, contredit ainsi les positions du camp conservateur - auquel appartient la chancelière. Cependant, les sociaux-démocrates et les Verts sont favorables à l'attribution de la double nationalité, dont l'octroi est réservé à certains ressortissants européens mais fermé aux immigrés turcs. Le thème devrait donc s'inscrire au cœur de la campagne électorale pour les législatives du 22 septembre.
Le nombre d'actifs en Allemagne venant d'Espagne, d'Italie, de Grèce et du Portugal et attirés par le «miracle économique» a grimpé de 8% en 2012, soit 34.000 personnes. «Cela laisse encore de la marge. Dans nos recherches dans ces pays, nous nous concentrons surtout sur les ingénieurs, les médecins et les professionnels de la santé. Nous devons devenir encore plus attractifs pour les étrangers», plaide Frank-Jürgen Weise, chef de l'Agence allemande pour l'emploi. L'Allemagne a besoin d'un apport annuel de 200.000 immigrés qualifiés par an pour assouvir ses besoins de main-d'œuvre. Frank-Jürgen Weise a lancé récemment un appel aux médecins et ingénieurs d'Europe du Sud à venir tenter leur chance en Allemagne. Le taux de chômage est de 6,9% tandis qu'une personne sur quatre est au chômage en Grèce ou en Espagne. La croissance économique devrait être de 0,5% pour 2013 outre-Rhin et de 1,6% en 2014, selon les prévisions du gouvernement.
Intégrer la minorité turque
Pour réussir son défi, l'Allemagne doit aussi mieux intégrer les immigrés turcs, qui sont trop nombreux à entrer dans l'âge adulte sans formation professionnelle. Parmi les diplômés turcs les plus brillants, nombreux sont ceux à choisir de retourner en Turquie, eldorado de la croissance où de bonnes opportunités d'emplois s'offrent à eux. L'un des facteurs les poussant au départ est le renoncement obligatoire à leur nationalité turque entre 18 et 23 ans, s'ils veulent conserver leur passeport allemand. Lors du sommet pour l'intégration, organisé pour la sixième année consécutive, Angela Merkel a réclamé «plus d'ouverture d'esprit» pour favoriser l'intégration. Et elle a affirmé que l'Allemagne souhaite devenir «un pays d'intégration»...
De leur côté, les représentants de la communauté turque réclament une plus grande ouverture de la fonction publique aux 20 % de la population allemande issus de l'immigration. Kenan Kolat, représentant de la communauté turque d'Allemagne, dénonce «le racisme structurel et institutionnel que personne ne veut voir». Il réclame davantage de fonctionnaires d'origine étrangère, notamment dans la police et l'enseignement.
29/05/2013, Patrick Saint-Paul
Source : Le Figaro