«DISCRIMINATION raciale, racisme, xénophobie, rejet...». Ce sont là autant de comportements dénoncés depuis peu par des Subsahariens qui résident au Maroc. Certes, le phénomène n'est pas nouveau, mais il prend des proportions inquiétantes ces derniers mois.
En témoignent les comportements de certains propriétaires d'appartements, qui refusent -dixit- «la location aux Africains». Comme si les Marocains n'étaient pas Africains! Aujourd'hui, le comble est que certains syndics vont plus loin et placardent des affiches dans plusieurs halls d'immeubles à Casablanca. Sur ces affiches, l'on peut lire: «Il est strictement interdit de louer des appartements aux Africains». «On dirait le Front national au Maroc!», ironise, stupéfait, un jeune d'origine congolaise.
Contacté par L'Economiste, Me Mohamed Ziane, avocat et ancien ministre des droits de l'homme (pendant 11 mois en 1995), qualifie ces affiches et ce refus de louer à des Subsahariens «de graves violations des droits de l'homme. C'est de l'apartheid». Aux yeux de Me Ziane, «ce genre de comportement n'a pas d'autre qualificatif. C'est du racisme pur et dur. Les conventions internationales des droits de l'homme, telles que ratifiées par le Maroc, obligent le gouvernement à prendre des sanctions à l'encontre de ces propriétaires. Si rien n'est fait, cette situation peut aller jusqu'à l'expulsion du Maroc des Nations unies», avertit l'avocat, pour qui ces comportements rappellent «le fascisme de la France des années 20-30 avec les messages xénophobes de l'époque tels que: Interdit aux chiens et aux Arabes».
Sur le refus de louer, les témoignages sont légion: «La propriétaire de l'appartement était d'accord, mais le syndic s'y est opposé en répétant: ici on ne loue pas aux Africains», témoigne un jeune subsaharien qui a vécu de nombreuses expériences similaires. Selon lui, «quand bien même syndic et propriétaire acceptent, ils mettent une série de conditions: pas de célibataire, pas de tapage, pas de visite, pas de fête... On va même jusqu'à vous dicter comment vivre dans un immeuble». D'autres encore font l'objet de menaces, d'insultes et de mépris au quotidien de la part de leurs voisins. «Les préjugés contre les Africains sont très ancrés. Mais les relations avec les Marocains ne sont pas toutes conflictuelles... En tout cas, la vie est clairement moins agréable lorsque vous êtes de couleur noire», confie une étudiante qui a été chassée d'un immeuble. Les préjugés sont tellement nombreux que ce genre de comportements racistes est en train de se banaliser. D'aucuns y voient un comportement normal. Ce genre de dérives renseigne qu'il n'y a pas de politique claire liée au statut de l'immigré, de l'étranger... Pis encore, rien ne protège les Subsahariens contre les abus des riverains, le racisme dans la rue, la discrimination.
Selon des témoignages, cette situation est la conséquence directe de mauvaises expériences de locataires et de voisinage vécues avec des Subsahariens: tapage nocturne, sous-location, loyers impayés, bandes criminelles, prostitution... Mais cela reste des cas isolés. Rien ne justifie une telle discrimination, le rejet et les a priori par rapport à une communauté, une race.
Sur ce registre de racisme au Maroc, rappelons que le groupe parlementaire du PAM a déposé, lundi 15 juillet dernier à la Chambre des représentants, une proposition de loi imposant des sanctions contre toutes les formes de racisme. Le texte concerne principalement «le racisme anti-noir». Selon un député du PAM, «le racisme contre les Subsahariens doit être combattu. Nous voulons aussi lutter contre les expressions racistes à l'encontre des Marocains de peau noire. Le Maroc est un pays africain, non?».
23/7/2013, Amin RBOUB
Source : L'Economiste