dimanche 24 novembre 2024 20:31

L'Italie "change d'approche" à l'égard de l'immigration avec Cécile Kyenge

Le choix d'Enrico Letta, premier chef d'un gouvernement gauche-droite de l'après-guerre, de créer un ministère de l'Intégration est en soi, un « signal de changement fondamental car l'idée est de ramener l'attention sur les personnes, les droits de l'homme », a estimé, le 19 juin, Cécile Kyenge devant la presse étrangère à Genève lors de son premier voyage à l'extérieur. L'occasion pour la ministre italienne d'origine congolaise de « faire comprendre l'importance du changement culturel que l'Italie est en train d'opérer ». Un parcours qui « se poursuivra même si le gouvernement devait changer », a-t-elle affirmé.

Depuis sa prise de fonction fin avril, Cécile Kyenge a été pourtant la cible d'agressions verbales et menaces de mort, postées sur des sites racistes et même sur sa page officielle Facebook. Son escorte a été renforcée depuis mais elle a assuré qu'elle n'avait pas peur. « Les insultes et menaces qui me visent à cause de ma position particulièrement exposée, visent en réalité tous ceux qui refusent le racisme et une société non violente », a-t-elle déclaré.

"Manque de connaissance de l'autre"

Selon Cécile Kyenge, on ne peut pas dire aujourd'hui que l'Italie est raciste mais « il y a visiblement un manque de connaissance de l'autre, des phénomènes migratoires, un manque de culture de l'immigration », nuance-t-elle. La ministre rappelle que les immigrés - 4 millions d'adultes et 1 million d'enfants dont 600 000 nés dans le pays – constituent également une « ressource : des travailleurs, des contribuables, parfois des entrepreneurs » pour faire face à la crise.

« La priorité du gouvernement [d'Enrico Letta] est l'emploi mais la crise touche tout le monde, il faut l'affronter ensemble, y compris avec l'idée d'une nouvelle citoyenneté qui prévoit des droits mais aussi des devoirs », a expliqué la ministre.

« Tout commence à l'école », a-t-elle poursuivi. Selon elle, les enfants doivent pouvoir participer aux voyages scolaires hors d'Italie, ou devenir des sportifs professionnels ou de futurs dirigeants du pays, sans devoir découvrir « à 18 ans qu'ils sont différents, qu'ils ne peuvent pas avoir la nationalité pour des raisons bureaucratiques ». C'est pourquoi, à son initiative, le gouvernement italien a adopté, le 15 juin, un décret-loi qui simplifie l'accès à la nationalité après 10 ans de résidence, attestée par de simples certificats médicaux ou scolaires.

"Bonnes pratiques"

Consciente d'avoir suscité un âpre débat, Cécile Kyenge a expliqué « bouger beaucoup sur le territoire pour identifier les bonnes pratiques » en matière d'intégration. De toute façon, a-t-elle dit, la nouvelle législation sur la citoyenneté sera issue d'un dialogue interne au gouvernement et « décidée par le Parlement ». Cécile Kyenge perçoit ainsi son rôle de façon « transversale » : avec sa collègue de l'Agriculture pour les immigrés surexploités et non déclarés dans les récoltes de fruits et légumes, ou celle de l'Intérieur pour les migrants qui débarquent sur les côtes italiennes.

Fière de sa terre d'adoption d'Emilie Romagne (elle vit près de Modène), cette ophtalmologue de 48 ans, mère de deux filles, arrivée en Italie en 1983 pour faire des études de médecine, n'a pu, en raison de « problèmes bureaucratiques », obtenir la nationalité qu'après son mariage avec un Italien en 1995. Elle voit son ministère comme une « mission », une « volonté de se mettre au service des autres » qui l'a poussée aussi à coordonner la formation de médecins en Afrique et de personnel sanitaire en Italie pour l'accueil des migrants puis à s'engager en politique à partir de 2004 dans le Parti démocrate (gauche).

19/06/2013

Source : Jeune Afrique avec AFP

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