Ils ont entre 13 et 17 ans et restent parfois bloqués des semaines sur l'île de Lampedusa : à l'occasion de la visite du pape, les ONG dénoncent le sort réservé aux immigrés mineurs, victimes des défaillances des canaux d'immigration en Italie.
Après la visite-éclair mais spectaculaire du pape, qui a fustigé «l'indifférence» du monde face à la mort de centaines de migrants venus d'Afrique en quête d'«une vie meilleure», les ONG ont mis en avant l'exemple terrible des mineurs non accompagnés que François a rencontrés.
Selon l'organisation Save The Children, il y a actuellement 75 immigrés mineurs à Lampedusa, dont 48 viennent d'Érythrée et 22 de Somalie, âgés entre 13 et 17 ans.
Nombre d'entre eux, en survêtement et casquette de baseball, ont rencontré le pape et chanté pour lui au cours d'une messe à côté des bateaux abandonnés, à bord desquels ils sont arrivés.
A plusieurs reprises, des centaines de mineurs sont restés coincés sur l'île en l'absence de places dans les centres d'accueil pour mineurs, alors que le adultes sont transférés plus rapidement dans des centres pour immigrés sur le continent.
«L'aspect le plus négatif est le manque d'un système national structuré pour accueillir les mineurs étrangers non accompagnés», dénonce Raffaella Milano, responsable de Save The Children, ONG qui joue un rôle important dans l'accueil des enfants sur l'île.
Selon elle, le problème vient du manque de notification en temps réel de la disponibilité des places dans les communautés d'accueil afin de placer aux plus vite ces enfants déracinés.
Sur l'île existent seulement 50 places d'accueil pour les mineurs non accompagnés et les femmes avec enfants. Des capacités sous-dimensionnées alors qu'en une seule journée des centaines d'immigrés peuvent arriver par bateau.
En ce moment, en raison d'une météo favorable, les arrivées de migrants sont incessantes: 166 ont encore été secourus à Lampedusa juste avant l'arrivée du pape. Depuis le début de l'année, 4.000 ont débarqué à Lampedusa, trois fois plus qu'en 2012.
Lampedusa, confetti de 20 km2, est plus proche des côtes nord-africaines, situées à environ 100 km, que de la Sicile (plus de 200 km). En 2011, avec les printemps arabes, près de 50.000 migrants et réfugiés avait déferlé sur Lampedusa et les autorités s'étaient retrouvées débordées.
En ce moment, 25 enfants dorment à même le sol. Vincenzo Spadafora, un responsable nommé par le gouvernement italien en charge de l'enfance, a comparé la visite du pape à «un coup de poing dans le ventre» qui devrait encourager les autorités à faire davantage pour la protection des mineurs.
«Les mineurs non accompagnés qui arrivent à Lampedusa devraient rester aussi brièvement que possible sur l'île et ensuite être pris en charge par des structures appropriées sur le territoire italien», dit-il.
Ces enfants ont souvent subi des violences physiques et psychologiques terribles, comme Amina, une jeune fille érythréenne de 15 ans qui a été retenue prisonnière au Sinaï avant d'arriver à fuir en Italie.
Osman, un Érythréen de 17 ans, a été violemment battu dans des camps de prisonniers en Libye : aujourd'hui, il boîte.
«Comment vas-tu?» lui a demandé le pape lundi. «Ça va maintenant, mais j'ai traversé des moments difficiles», a-t-il répondu.
Cette année, 411 mineurs non accompagnés sont arrivés à Lampedusa, soit trois fois plus que l'an dernier sur la même période.
«Les camps de détention libyens représentent pour eux le pire traumatisme», estime Viviana Valastro, coordinateur de projet pour Save The Children à Lampedusa. «Là-bas ils ne font pas la distinction entre adultes et enfants, et les mineurs subissent souvent des violences, et même des tortures, dont ils portent encore les séquelles».
09.07.2013
Source : Le Matin/ MAP