Muhammad Zafeer, chauffeur de taxi pakistanais à Athènes, se sent obligé de regarder autour de lui avant de se rendre à la prière. Dans la capitale grecque, plusieurs attaques racistes ont eu lieu contre des mosquées situées dans des vieux garages ou entrepôts. C'est pourquoi le projet de construction à Athènes d'une mosquée financée par l'Etat a été bien accueilli par les intéressés.
«Avant, les mosquées étaient pleines de monde, mais aujourd'hui, les gens ont peur d'aller prier», explique Zafeer. «La Grèce doit décider si elle se veut démocratique ou si elle veut retourner à l'époque du Moyen-Age», poursuit le chauffeur de taxi en haussant les épaules. Toutefois, ce projet de construction, qui a stagné trop longtemps, divise un pays qui a connu quatre siècles de règles turco-ottomanes.
«De l'argent pour la mosquée mais pas pour la population»
Peu après l'appel d'offre lancé par le gouvernement en mai pour l'édification de la mosquée, le parti grec d'extrême-droite, Aube Dorée, qui vise à «débarrasser la Grèce des immigrants», a promis de «se battre jusqu'au bout» pour que la mosquée ne voie jamais le jour. De même, un évêque local, Seraphim, était tellement furieux par ce projet qu'il a décidé de saisir la justice. Pour les opposants à la mosquée, Athènes ne peut se permettre, en pleine crise, de dépenser le million d'euros que la construction de la mosquée exige. «Il y a de l'argent pour construire une mosquée mais il n'y en a pas pour le quotidien de la population», s'est offusqué Aube Dorée, troisième parti le plus populaire de Grèce. Pour l'évêque Seraphim, le projet n'est pas constitutionnel et concourt à l'«islamisation» de la Grèce, pays qui accueille déjà de nombreux immigrants provenant du continent asiatique et souhaitant entrer dans l'Union européenne.
Athènes, seule ville d'Europe sans mosquée
L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, qui avait signalé une augmentation sans précédent du nombre d'attaques à motifs raciaux pendant la crise économique, a accusé les autorités de ne pas faire assez d'efforts pour lutter contre ce problème. Depuis le début de la crise, une mosquée a été incendiée et une autre criblée d'inscriptions obscènes à la peinture noire. «Il faut construire cette mosquée. Nous voulons vivre dans un pays libre, et en sécurité», déclare Shabaz Ahamed, musulman pakistanais qui se réfère par ces propos à sa mosquée qui avait été prise d'assaut par une foule en colère. Athènes, où aucune mosquée officielle n'a été construite depuis l'indépendance de la Grèce en 1832, a été pointée du doigt par Amnesty international notamment, pour être l'une des seules capitales européennes à n'abriter aucune mosquée. Pour le maire de la ville, Yiorgos Kaminis, favorable à la construction de l'édifice religieux, le retard du projet n'est pas une question d'argent. «Acheter une maison dans le quartier de Chalandri à Athènes coûte 500.000 euros, et nous ne pouvons pas nous permettre de construire une mosquée ? Même quand l'Etat avait plus d'argent, aucune mosquée n'a été construite», précise-t-il.
03/07/2013
Source : Zaman