Le « délit d'immigration clandestine » prévoit l'expulsion immédiate des migrants « illégaux » et prévoit des poursuites pour ceux qui les aident.
La polémique enfle en Italie autour de la loi « Bossi-Fini », du nom de ses auteurs – le fondateur de la Ligue du Nord, critiqué pour ses penchants xénophobes, et l'ancien président du Mouvement social italien, néofasciste. Adoptée par le gouvernement Berlusconi en 2002, cette loi a introduit le « délit d'immigration clandestine ». Ce que critiquent avec virulence le centre gauche comme l'Église.
La loi prévoit l'expulsion immédiate des migrants dits « illégaux » après les procédures d'identification. Elle fixe aussi des poursuites judiciaires, pour complicité, pour toute personne qui aiderait un migrant à entrer illégalement en Italie. Ainsi, les pêcheurs de Lampedusa et des côtes du sud de la péninsule qui portent secours en mer à des migrants prennent le risque de se voir confisquer leur bateau et d'être condamnés.
Lors de sa visite à Lampedusa, la présidente de la Chambre des députés, Laura Boldrini, a souligné avec vigueur que ce délit va totalement à l'encontre de la Convention des Nations unies sur les réfugiés et du droit international de la navigation. « Porter secours à des migrants se trouvant en mer est un devoir, ne pas le faire est un délit ! », a-t-elle lancé.
Nombre d'Italiens sont réticents à changer la loi
Face à l'ampleur de la tragédie de Lampedusa, le chef du gouvernement, Enrico Letta, soutenu par différents ministres de centre gauche, promet de changer « radicalement » la loi. De son côté, le président de la République insiste pour que Rome améliore sa politique en matière de droit d'asile. Mais il faut s'attendre à un véritable bras de fer au sein de la coalition au pouvoir. La droite est en effet totalement hostile à une abrogation et freine les projets de simplification bureaucratique pour l'obtention d'un permis de séjour qui nécessite, actuellement, des délais allant de deux à quatre ans.
Qui plus est, les Italiens sont certes affectés par les morts de Lampedusa, mais il suffit de lire les commentaires sur les sites des journaux pour constater de fortes réticences. Tel celui posté sur le site de La Repubblica, un quotidien de gauche : « La loi n'est pas assez sévère. J'ai travaillé trois ans dans un centre pour demandeurs d'asile. Je fais partie des forces de l'ordre et j'ai constaté une absence totale de respect pour nous et la Croix-Rouge. Il faut des accords avec les pays de provenance, le rapatriement immédiat et un État qui nous protège ! »
8/10/2013, Anne Le Nir
Source : La Croix