lundi 25 novembre 2024 01:27

"La Pirogue", un regard africain sur la tragédie de la migration clandestine

Les cinéphiles aussi bien marocains qu'étrangers se sont donné rendez-vous, mercredi soir, à l'Ecole supérieur des arts visuels de Marrakech (ESAVM), pour assister à la projection de "la Pirogue", un film "documentaire" du cinéaste sénégalais, Moussa Touré, qui traite de l'immigration africaine clandestine vers l'Europe par voie maritime.

Avec une remarquable finesse, ce film transporte le public, pendant près de 90 minutes, pour vivre d'intenses moments d'émotions de la tragédie des temps actuels: l'immigration clandestine vers l'Europe.
En partant d'une histoire finement ficelée, le film fait une introspection d'une jeunesse africaine frustrée matériellement, sans espoir qui ne voit de perspective d'avenir que dans cet "eldorado" européen.
Conçu sous forme "de huis-clos à ciel ouvert", le lieu de l'action de ce film franco-sénégalais, se situe dans l'immensité de l'océan Atlantique. Des hommes et une femme quittent le Sénégal à bord d'une grande pirogue, pour rejoindre l'Europe de l'Ouest via les îles Canaries. Au fur et à mesure, le spectateur fait la découverte des histoires personnelles des immigrants, de leurs rêves, aspirations et déceptions. Ils doivent affronter dans leur trajet, la solitude de la mer, une violente tempête et une panne de moteur qui les laisse perdus au milieu de l'Atlantique. Recueillis aux Canaries, les rescapés sont expulsés en avion vers leur pays d'origine au bout de quelques jours.

"La Pirogue" pose la problématique complexe de l'immigration en interpellant la communauté internationale pour traiter cette question sous ses différents aspects, surtout sa dimension humaine. Pays émetteurs et pays d'accueil sont appelés à coordonner leurs efforts pour traiter l'immigration à travers le développement socio-économique du continent noir. Tel est l'appel lancé par Moussa Touré à travers son œuvre.

Depuis sa sortie en 2012, ce film ne cesse de susciter des débats et des réactions auprès du public et des critiques d'arts. Somme toute "un bon film", ont-ils convenu de souligner.

Les prix et les distinctions, il ne cesse d'en récolter à chaque participation dans les festivals.

Le dernier et non des moindres est le Prix "Argana" du 10è Festival "Cinémas et migrations" (Agadir 05-09 novembre).

Pour son réalisateur, il n'y a pas de frontières entre un film documentaire et de fiction. "La Pirogue" se ressource de l'un et de l'autre. Seule différence pour Moussa Touré: le film documentaire est plus "intimiste, réalisé avec une équipe réduite, parfois au minimum".

"L'Afrique est un continent prenant, mystique, fortement ancré dans des traditions qui forgent son identité propre, ce qui constitue pour le réalisateur une vraie aubaine", confie-t-il à la MAP. Les sujets sont là devant vous. Seul défi: savoir recréer cette réalité via les techniques de l'image et c'est là où réside tout le génie du réalisateur du film documentaire.

Moussa Touré ne souffre guère de la laborieuse recherche des fonds nécessaires pour la production de ces films, tellement il a gagné la confiance des producteurs. Une confiance et une notoriété qui ne les doit qu'à sa seule verve artistique, gage de la réussite de ses films.

"La Pirogue" a reçu plusieurs distinctions dont le Prix Lumières 2013 pour le Meilleur film francophone et l'Etalon de bronze et Prix de l'UMEOA au Festival panafricain du Cinéma de Ouagadougou (Fespaco 2013).
Moussa Touré, également scénariste et producteur, anime à l'ESAVM, des ateliers du 11 novembre au 11 décembre au profit des étudiants de la 3ème année.

En partant du thème du "Couple", les étudiants sont sensibilisés aux dispositifs spécifiques à la réalisation d'un film documentaire en vivant l'expérience du projet, du tournage, du montage, de la postproduction et de la présentation d'un film devant les spectateurs.

Moussa Touré commence très jeune sa carrière dans le cinéma en tant que technicien (électricien, assistant réalisateur), avant de réaliser son premier court-métrage en 1987, puis son premier long-métrage en 1991, "Toubab Bi", primé de nombreuses fois.

Moussa Touré a réalisé une dizaine de films, tous genres confondus, dont "TGV", véritable succès populaire en Afrique. Ce film obtient en 1999 le Prix du public lors du 9e Festival du cinéma africain de Milan.

28 nov. 2013, Fouad BENJLIKA

Source : MAP

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