dimanche 24 novembre 2024 23:55

Laïcité : Matignon signe l'avis de décès du Haut Conseil à l'intégration

C'est un "avertissement" qui sonne comme un avis de décès. Daté du 3 septembre, un court texte publié sur le site du Haut Conseil à l'intégration (HCI) avise les visiteurs que, "depuis le 24 décembre 2012, le président et les membres du collège du HCI ne sont plus en fonctions. A compter de cette date et en l'absence de collège, le HCI n'est donc plus en situation d'émettre des avis, ni de publier des rapports ".

Difficile de croire qu'il ait fallu plus de huit mois aux services de Matignon, dont dépend le HCI, pour avertir le public et les contribuables que cet organisme, qui dispose d'un secrétaire général, de quelques salariés et de locaux à Paris, ne pouvait plus exercer ce pour quoi il est précisément fait : "émettre des avis et publier des rapports".

La précision publiée début septembre coïncide avec la divulgation au mois d'août dans nos colonnes de l'ultime rapport de la mission laïcité du HCI, consacré à la neutralité religieuse dans l'enseignement supérieur. Adoptant un ton alarmiste, il y préconisait, entre autres, d'interdire le port de signes religieux dans "les salles de cours" à l'université. Cette approche a fortement déplu à Matignon et au président du nouvel Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, qui a, depuis avril, absorbé les prérogatives du HCI en la matière. M. Bianco s'est notamment donné pour mission d'accompagner la volonté d'apaisement du gouvernement sur ces questions.

PROBABLE DISPARITION EN DÉCEMBRE

A l'inverse, le HCI a, ces dernières années, multiplié les recommandations pour la mise en oeuvre d'une laïcité stricte, volontiers fondée sur un renforcement de la législation. Sur douze avis publiés depuis 2007, cinq ont été spécifiquement consacrés à l'application de ce principe : "une pédagogie de la laïcité, la laïcité dans la fonction publique, la neutralité en entreprise, l'expression des religions dans l'espace public, la charte de la laïcité dans les services publics". "La fin du HCI signe la fin d'une laïcité un peu dure, d'une laïcité républicaine, regrette un ancien responsable du HCI. On fait disparaître l'une des rares structures qui osaient dire des vérités sur notre société, qui ne convenaient ni à la droite ni à la gauche."

Officiellement, "le rôle, l'organisation et les attributions du HCI seront redéfinis à l'issue de la réflexion engagée par le gouvernement visant à la refondation de la politique d'intégration", prévue avant la fin 2013. Sa mise en sommeil officielle – avant sa probable disparition en décembre – correspond donc au positionnement du nouvel Observatoire.

Attendu, d'ici à fin octobre, sur la question de la neutralité religieuse dans les structures d'accueil de la petite enfance et la pertinence de légiférer pour restreindre l'expression religieuse dans le secteur privé, il prépare le terrain.

PAS "DE VIDE JURIDIQUE"

Dès le mois de juin, M. Bianco a sollicité un avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Celle-ci devrait rendre, jeudi 26 septembre, ses conclusions, estimant notamment qu'une nouvelle législation ne s'impose pas et que les outils existant suffisent à une bonne application du principe de laïcité. M. Bianco assurait, dans Le Monde du 25 juin, qu'il n'y avait pas "de vide juridique" et qu'il souhaitait avant tout "rappeler le droit existant".

La nomination, dimanche 22 septembre, de la spécialiste de l'islam et de la laïcité en entreprise Dounia Bouzar comme membre de l'Observatoire de la laïcité, en remplacement de Rose-Marie Van Lerberghe, démissionnaire, s'inscrit dans cette même logique.

Mme Bouzar, auteur de plusieurs ouvrages sur la gestion des revendications religieuses en entreprise ou dans les collectivités locales, est une opposante affichée à toute nouvelle législation. Mais divers courants traversent encore l'Observatoire de la laïcité et Mme Bouzar va y côtoyer les tenants d'une stricte laïcité qui, en 2011, avaient jugé trop "communautariste" le guide de la laïcité qu'elle avait rédigé pour le Parti socialiste.

25.09.2013, Stéphanie Le Bars

Source : LE MONDE

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