Les Français de confession musulmane se distinguent politiquement du reste de la population en votant très majoritairement pour un candidat de gauche à la présidentielle. C'est ce qu'il ressort d'une enquête produite par Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l'Ifop, à l'occasion du début du ramadan. Il a croisé les résultats du scrutin de 2012 et toutes les enquêtes électorales réalisées aux cours de la campagne.
Au deuxième tour de la présidentielle, le choix des électeurs d'origine musulmane s'est ainsi porté à 86 % sur François Hollande contre seulement 14 % sur Nicolas Sarkozy, alors que, dans l'ensemble de la population, le nouveau président était élu avec 51,6 % des voix contre 48,4 %. Deux semaines plus tôt, au premier tour, Hollande recueillait 57 % de voix dans l'électorat musulman contre sur seulement 7 % pour Sarkozy. Le candidat socialiste réalisait un saut de + 28 % par rapport à son score général quand Sarkozy sous-performait de - 20 %.
Autre résultat significatif: Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche, réalisait 20 % dans la population de Français musulmans, soit un gain de 9 points par rapport à son score réel (11 %). «C'est un vote massif pour la gauche chez les électeurs de confession musulmane, explique Jérôme Fourquet. C'est même, selon les données à notre disposition, la catégorie de la population qui a voté le plus massivement pour la gauche, donc pour François Hollande au 1er ou au second tour, soit par adhésion à sa personne ou à son programme, soit par rejet de Nicolas Sarkozy.»
Une orientation à gauche qui s'est certes accentuée entre 2007 et 2012 mais pas spécialement au profit du Parti socialiste. En effet, en 2007, Ségolène Royal recueillait même un point de plus que François Hollande avec 58 % dès le premier tour. La même année, Nicolas Sarkozy n'aurait perdu que 1 point, passant de 8 % à 7 % en 2012. Le débat sur la droitisation de la fin de campagne Sarkozy n'aurait eu donc que peu d'influence sur le non-vote musulman, dans la mesure où, dès 2007, ce vote faisait déjà défaut au président sortant.
Seconde religion dans l'Hexagone, l'islam représente, selon une étude du Cévipof, environ 5 % du corps électoral. La proportion est relativement faible, mais en cas de vote serré, comme ce fut le cas en 2012, le comportement électoral des musulmans peut revêtir une plus grande importance. Si on considère qu'au second tour de la présidentielle le «sur-vote» à gauche de cet électorat a représenté 34,4 % par rapport à l'ensemble de la population, cela revient à dire que cette différence représente environ 1,5 % de l'ensemble du corps électoral français.
En 2012, les électeurs d'origine musulmane ont penché très nettement à gauche non pas tellement aux dépens du candidat de l'UMP mais surtout à celui du centre représenté lors des deux élections par François Bayrou. Le président du MoDem avait fait une percée en 2007, captant 15 % des musulmans au premier tour. «Ceux qui ne voulaient ni voter Royal ni Sarkozy, se sont reportés sur Bayrou, analyse Jérôme Fourquet. Il représentait à leurs yeux des valeurs d'humanisme, de bienveillance qui, pour les musulmans qui ne se sentaient pas de gauche, pouvaient trouver en lui un candidat acceptable.»
Milieux populaires
Sept ans plus tard, Bayrou retombait à 6 %, soit 3 points de moins que son score (9 %). Autre point significatif: l'appartenance des électeurs aux catégories populaires ne jouent pas de la même manière que pour le reste de la population. Au sein de cette catégorie sociale, c'est Marine Le Pen qui a pris au premier tour la première place avec 29 % des votes des Français dans leur ensemble, quand Sarkozy y récoltait 19 %, Hollande 27 % et que l'ensemble des trois candidats de la gauche radicale n'en recueillait que 13 %.
Mais dès lors que les employés et ouvriers sont musulmans, leur vote change radicalement. L'extrême gauche prend 19 % des voix, Hollande 63 % quand Sarkozy tombait à 4 % et Marine Le Pen à 5 %. Ce que résume ainsi Jérôme Fourquet: «Dans les milieux populaires, le fait d'être ou non musulman influe très profondément sur le vote.»
Du coup, c'est sans doute une bonne partie de l'analyse politique des quartiers populaires qui est à revoir selon la structure religieuse de ses habitants. Peu de choses à voir, électoralement parlant, entre un quartier de la périphérie populaire de la région parisienne et ce même quartier dans une petite ville de province composé d'une population musulmane moins forte.
9/7/2013, Albert Zennou
Source : Le Figaro