dimanche 24 novembre 2024 23:50

Les visages de la migration

À travers l'histoire de la mythique compagnie Red Star Line, la Ville d'Anvers rend un vibrant hommage aux émigrants et leur rend un visage.

Au départ il y avait une compagnie maritime mythique : la Red Star Line. Deux millions de voyageurs ont emprunté l'un de ses bateaux entre 1874 et 1934, en quête d'une vie meilleure. Pour la première fois, la Ville d'Anvers met ces émigrants à l'honneur et consacre un musée à l'histoire de la compagnie belge mais surtout à celle de ses passagers.

C'est dans les bâtiments d'origine de la Red Star Line que le musée ouvre ses portes au public aujourd'hui. Des bâtiments classés et rénovés par le bureau d'architecture new-yorkais, Beyer Blinder Belle, auquel on doit déjà la restauration du Musée d'Ellis Island ou de la gare de Grand Central à New York. Un gage de qualité pour une rénovation pleinement réussie. D'ailleurs, à côté de l'énorme Musée Ellis Island, le modeste Red Star Line Museum n'a vraiment pas à rougir. Les chanceux qui ont pu visiter le musée new-yorkais ressentiront les mêmes émotions et auront les mêmes frissons en parcourant les salles anversoises.

Dès les premiers pas dans le musée, l'ambiance est plantée : un groupe d'émigrants, prêt à embarquer, vous accueille. Sur la gigantesque photo d'époque, les mines sont fermées, les regards inquiets : ils ont tout misé sur cette croisière et on peut palper leur angoisse. «C'est une des rares photos d'émigrants que nous avons à notre disposition, explique Marie-Charlotte Le Bailly, chargée de la collection d'histoire du musée. Ce n'est pas une photo prise sur le vif : les émigrants que l'on voit prennent la pose mais elle assez est emblématique de l'atmosphère qui régnait ici à la fin du XIXe siècle.»

Des émigrants de 3e classe

La particularité du Red Star Line Museum est de s'intéresser au parcours des voyageurs de 3e classe, les plus pauvres, ceux qu'on appelait aussi «les passagers de l'entrepont».

Contrairement aux plus riches, ceux-là devaient franchir une série d'obstacles avant d'atteindre le paquebot. Douche, désinfection des vêtements et des bagages par autoclaves, visite médicale poussée, formulaires administratifs... La route est longue et certains n'atteindront jamais le quai d'embarquement. «Les règles d'admission aux États-Unis étaient très strictes et il faut savoir que lorsqu'un migrant se faisait refouler à New York, c'est la compagnie maritime qui prenait en charge ses frais de rapatriement. Donc, pour limiter les risques, la Red Star Line pratiquait d'emblée des contrôles sévères. Et seuls les passagers de 3e classe étaient contrôlés. Les autres, plus aisés, étaient supposés en bonne santé.»

Ce parcours du combattant est particulièrement bien mis en scène à l'intérieur du musée. À travers les histoires personnelles de témoins clés, dont certains sont encore vivants, le musée s'attarde sur des destins humains comme celui de la famille Moel dont la fille, Ita, se verra refoulée à son arrivée à New York à cause d'une maladie oculaire contagieuse. De retour à Anvers, elle logera à l'hôtel Jaffa et tentera une deuxième fois la traversée et sera de nouveau expulsée. Ce n'est que bien plus tard que la petite fille, devenue adolescente, retrouvera sa famille aux États-Unis. Des destins comme celui-là, le Red Star Line Museum en relate des dizaines. Une histoire secondaire de notre pays mais majeure à bien des égards.

28/9/2013, Fanny Guillaume

Source : lavenir.net

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