Dans la forêt surplombant l'enclave espagnole de Melilla, au nord du Maroc, Diamani soigne tant bien que mal ses blessures à vif, occasionnées lors d'une récente tentative de franchissement, au côté de centaines de migrants, de la frontière le séparant de l'Europe.
Coutumières, ces tentatives pour rejoindre "l'eldorado européen" ont encore gagné en intensité: jeudi matin, 200 migrants africains sont à nouveau partis à l'abordage de la barrière grillagée. Seule une petite dizaine est parvenue à passer.
Mais le plus spectaculaire de ces assauts a été mené mardi, à l'aube, lorsqu'une centaine de migrants a franchi tour à tour les trois grillages de plusieurs mètres de haut. Des caméras de surveillance ont filmé de véritables grappes humaines s'accrochant aux grilles puis déferlant sur le sol espagnol.
Sur les hauteurs de l'enclave, près de Nador, la forêt de Gourougou constitue un abri temporaire à ciel ouvert pour ces candidats à l'exil.
Dans l'attente de la nuit, ils sont nombreux à panser leurs plaies, dues à de précédentes tentatives. Aucun ne semble réticent à l'idée de recommencer.
"Je me suis coupé au niveau de la jambe alors que j'escaladais la barrière", explique Diamani, un Malien âgé de 27 ans. Originaire de Gao, il arbore un bandage ensanglanté, posé sur une large entaille. "Dès que je vais mieux, j'essaie à nouveau. J'ai peur, mais je dois essayer", clame-t-il.
Simples éraflures, hématomes et même plâtres de fortune: les blessures sont diverses chez ses hommes pour la plupart jeunes et originaires d'Afrique de l'ouest. Dans ces montagnes, les autorités espagnoles évaluent leur nombre à 700.
Sekou, 21 ans, raconte avoir traversé le Sahara depuis Tombouctou et être arrivé au Maroc il y a six mois.
"Nous sommes venus ici à cause de la guerre (...). Nous ne sommes pas venus pour violer ou voler, mais pour trouver une vie meilleure", dit-il.
"Quand je serai là-bas, tous mes rêves se réaliseront", avance-t-il, les yeux braqués sur Melilla, unique porte d'entrée de l'Europe sur le continent africain, avec Ceuta, l'autre enclave espagnole.
Plus de 40 morts en deux ans
Située à 150 km plus à l'ouest, Ceuta a également été le théâtre de tentatives de franchissement cette semaine. Mardi, 91 migrants sont parvenus à passer, avant d'être pris en charge dans des centres d'accueil surpeuplés.
A Melilla, le spectaculaire assaut de mardi a donné lieu à des incidents avec la sécurité espagnole et plusieurs personnes ont été blessées.
Selon Chakib al-Khayari, un responsable de l'Association Rif des droits de l'Homme (ARDH), une ONG locale, 41 migrants sont morts ces deux dernières années en tentant de franchir les frontières de Ceuta et Melilla, dont 18 en 2013.
D'autres se sont noyés en tentant de traverser le détroit de Gibraltar sur des embarcations de fortune.
Dans un rapport, en mars dernier, Médecins sans frontières (MSF) s'était de son côté alarmé d'une "recrudescence importante" des violences contre les clandestins.
Dans leurs récits, des migrants continuent de se plaindre des opérations des forces de sécurité et des conditions de leur refoulement.
"La vie est très dure ici. Imaginez en hiver, avec des sacs plastique pour unique couverture et rien à manger", ajoute Yaya, un Ivoirien de 27 ans.
Face aux critiques, le Maroc exprime sa volonté de protéger ses frontières et signale que sa "stratégie sécuritaire" est uniquement "dirigée contre les réseaux criminels".
Le royaume vient en outre d'engager une "nouvelle politique migratoire". Dans un communiqué publié mardi, les ministères de tutelle (Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Emploi) ont confirmé la création de commissions pour étudier les dossiers d'un millier de réfugiés et procéder à des régularisations "au cas par cas" de clandestins.
Dans le cadre de ses démarches, Rabat a aussi rappelé à l'Union européenne (UE) ses responsabilités.
Dans la forêt de Nador, Erik, 28 ans, assure être prêt à rester au Maroc si les conditions de vie le permettent.
"J'ai entendu parler de la nouvelle politique du gouvernement marocain. Mais je n'en ai pas encore vu les effets, et tant qu'on sera l'objet de violences, je n'y croirai pas", affirme-t-il.
19 septembre 2013, Simon MARTELLI
Source : AFP