La Mauritanie, comme beaucoup de pays, est confrontée au phénomène de la migration. Dans ce pays de transit, les syndicats ont lancé des actions pour sensibiliser et défendre les droits des jeunes candidats à l'immigration.
Dans cet entretien, Mamadou Niang, qui est chargé de la Migration au sein de la Confédération Générale des Travailleurs de Mauritanie (CGTM), revient sur la stratégie adoptée par les syndicats au niveau national et international sur la question de la migration. M. Niang explique également les attentes des syndicats mauritaniens vis-à-vis de l'Organisation internationale du Travail (OIT) pour défendre les droits des travailleurs migrants.
ACTRAV INFO : La Mauritanie est l'un des pays de transit des immigrés clandestins à destination de l'Europe. Au niveau de votre syndicat, quel regard portez vous sur cette question de l'immigration qui touche d'abord les jeunes ?
Mamadou Niang : Depuis les années 2005/2006, la Mauritanie a connu une arrivée massive de migrants venant de tous les coins du monde, à la recherche d'une entrée pour l'eldorado européen . Après la fermeture des frontières marocaines de Ceuta et Melilla, les routes de l'immigration se sont tournées vers Nouadhibou en Mauritanie. Cette situation inattendue a surpris la Mauritanie qui n'était pas préparée à ce genre de situation relative à l'immigration clandestine à travers de bateaux de fortune pour traverser les quelques kilomètres en direction des côtes espagnoles. Les populations ont du constater avec amertume le lourd bilan des noyades et des disparations de milliers de migrants que la presse d'alors relayait quotidiennement. C'est ainsi que l'opinion publique a découvert que la Mauritanie allait devoir faire face à un phénomène nouveau et inconnu et pour la prise en charge duquel, les autorités n'avaient eu recours qu'à la gestion policière et sécuritaire. Les politiques européennes d'immigrations ont durci les lois relatives à cette question et ont même demandé aux pays frontaliers comme la Mauritanie, d'ouvrir des centres de rétention afin de leur permettre de procéder au refoulement des migrants vers ceux-ci. Les mauvaises conditions de détention ainsi que les dénonciations faites par les acteurs nationaux et internationaux de droits de l'Homme, finirent par contraindre les autorités publiques à fermer le centre de Nouadhibou.
La CGTM, à l'instar des affiliées de la Confédération syndicale internationale (CSI) qui venait d'adopter un plan d'action spécial dont l'un des axes était la défense des droits de la main d'œuvre migrante ; a pris en charge cette question et développé un accord de collaboration avec la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS). Un accord qui été parrainé par la CSI et financé par la LO/TCO de Suède. Cette collaboration a permis à nos syndicats respectifs de pouvoir s'impliquer dans la promotion et la défense des droits de la main d'œuvre migrante. En Mauritanie, la CGTM a pu parvenir à des résultats probants par l'organisation et la syndicalisation des travailleurs et travailleuses migrants (es). La CGTM et la CNTS ont pu réaliser des actions de sensibilisation et d'information auprès de toute l'opinion publique mais surtout au niveau des travailleurs migrants sur les conventions internationales de l'OIT relatives à la migration, notamment les C97 et C143 ainsi que sur celle des Nations Unies pour la protection des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.
Depuis octobre 2008, avec l'appui du Bureau Régional du l'OIT à Dakar, la CGTM a développé une nouvelle convention avec l'Union Générale du Travail (UGT) d'Espagne à travers son Institut Syndical de Coopération au Développement (ISCOD) avec l'appui de l'Agence Espagnole de Coopération Internationale au Développement (AECID). Cette collaboration a permis l'ouverture d'un Centre Guide pour la Migration à Nouakchott par la CGTM, centre dont les actions demeurent principalement les suivantes :
La promotion et la défense des droits des travailleurs/travailleuses migrants (es)
La sensibilisation et l'information des travailleurs migrants sur leurs droits et la nécessité de s'organiser pour les défendre
La formation syndicale sur les lois et les conventions relatives à la migration
L'assistance juridique pour les conflits individuels et collectifs de travail
La syndicalisation des travailleurs migrants
L'organisation des femmes domestiques migrantes dans les structures du Centre
La participation et les échanges tant au niveau régional que mondial sur la migration
ACTRAV INFO : Quelles sont les activités menées par votre syndicat pour appuyer les jeunes candidats à l'immigration et prévenir les tragédies comme celle de Lampédusa ?
Mamadou Niang: La CGTM a développé un important programme de renforcement des capacités des jeunes afin de les assister pour mieux s'intégrer dans les structures syndicales à travers des actions spécifiques. C'est ainsi que nous avons pu implanter des coordinations régionales de jeunes dans sept Wilayas/régions de notre pays qui en compte treize. Au niveau du centre Guide pour la Migration, nous avons bénéficié d'un appui de la Communauté Autonome de Madrid, en 2010, qui nous a permis de former plus de 120 jeunes . Ils ont suivi une formation sur les normes internationales de travail, en particulier le droit syndical ainsi que la gestion des projets dans les métiers d'électricité, de plomberie et d'informatique .Cette formation professionnelle a redonné une confiance réelle à ces jeunes en leurs propres capacitations au travail et à leur préparation pour l'accès au marché de travail. Le contexte général des jeunes est caractérisé par un taux de chômage assez élevé aussi bien au niveau des jeunes diplômés que de ceux d'un niveau scolaire moyen.
ACTRAV INFO : Après la réunion tripartite sur les migrations de main d'œuvre qui s'est tenue à Genève du 4 au 8 novembre 2013, avez vous des attentes vis-à-vis du BIT sur cette question de la migration internationale?
Mamadou Niang:Cette réunion technique sur la migration organisée par le BIT à laquelle j'ai eu l'opportunité de prendre part, nous a permis de partager des visions tripartites sur l'évolution de cette question et d'évaluer les attentes de chaque partenaire social face aux défis nouveaux engendrés par la gestion actuelle de la migration.
Les résultats auxquels nous sommes parvenus à travers un large consensus font ressortir la nécessité de faire jouer à l'OIT son leadership et son rôle d'avant-garde sur la conduite de la migration mondiale afin de lui faire imprimer le respect des Normes internationales de travail en ce domaine. Le Directeur Général de l'OIT prendra la direction du Groupe Mondial sur la Migration (GMM) des Nations Unies en 2014, et nous plaçons beaucoup d'espoir sur la réussite et le succès de cette direction au bénéfice des migrants et de leurs droits.
Nos organisations nationales sont mobilisées pour accompagner les programmes qui seront déroulés dans le cadre bilatéral et/ou multilatéral par l'OIT pour traduire en actes concrets le programme du Directeur Général. Nous fondons un grand espoir dans un avenir meilleur dans la promotion et la défense des droits de la main d'œuvre migrante dans le monde.
25/11/2013
Source : ilo.org