Plus de deux ans et demi après la production de son long-métrage "Mort à vendre", le réalisateur marocain Faouzi Bensaïdi commence à savourer, hors des frontières, le succès de son film à la faveur d'une avalanche de critiques décortiquant sa valeur esthétique, suite à sa sortie dans les salles parisiennes, de sa consécration au festival d'Angoulême, mais aussi et surtout suite à un précieux témoignage signé Martin Scorsese.
Il s'agit en effet d'une reconnaissance qui vient consacrer le parcours singulier d'un cinéaste ayant réussi à se forger une place à part dans le champ cinématographique marocain au vu de la profondeur intellectuelle de son uvre, la maturité de son langage et l'originalité de sa vision expressive. Autant d'atouts qui ont valu à son nouveau film un accueil particulier de la part des critiques français et une affluence conséquente depuis sa sortie dans les salles le 21 août.
Dans une déclaration à la MAP, Faouzi Bensaïdi ne cache pas son bonheur des critiques contenues dans nombre de journaux, magazines et sites français qui ont permis au film de renforcer sa présence pour la deuxième semaine dans les salles, assurant que le prix de la mise en scène remporté au festival d'Angoulême a conforté cette présence honorable au moment où la demande sur le film fait florès.
Visiblement sensible à cet accueil de la part d'un milieu critique connu pour sa rigueur et son sérieux, Bensaïdi l'est à fortiori en raison de la propension de certains critiques à reconnaître à "Mort à vendre" un nouvel apport et une plus-value esthétique au genre du film noir ou policier. C'est dire que "Mort à vendre", loin d'être une expérimentation dans le polar, est porteur d'une vision spécifique avec des outils esthétiques conférant un nouveau souffle au film noir, qui travaille sur l'underground des centres urbains, à l'instar de l'apport du cinéma asiatique dans les années 90.
Dans "Les Inrocks", le critique français Vincent Ostria qualifie "Mort à vendre" de "Mean Streets maghrébin", en allusion à l'un des célèbres films de Martin Scorsese, et soutient que "le troisième film de ce cinéaste déjà remarqué conjugue un filmage inspiré emploi inspiré et maîtrisé du décor urbain, capté avec adresse et vitalité , et une peinture complexe d'une société".
Dans "L'Humanité" du 26 août, le même critique salue la touche esthétique d'un film dont "la topographie et l'aspect visuel sont soignés, au diapason des meilleurs films d'action américains, sans pour autant surenchérir dans le spectaculaire". Il relève aussi comment "une foule de petits rôles bien vus et assez précis (comme le personnage fantasque du flic incarné par le réalisateur lui-même) complètent ce tableau extrêmement vivant", pour donner, in fine, "une belle mosaïque comme on aimerait en voir en France, où l'on se contente trop souvent de peaufiner le dialogue en oubliant le tissu humain et la vue d'ensemble".
Sous le titre évocateur de "Bensaïdi modernise le film noir", Roman Duvic écrit, en date du 22 août, dans le site "toutlecine.com" que "+Mort à vendre+ gagne sa mention néo-noir via son esthétique léchée et demeure l'une des belles réussites de cet été", mettant particulièrement en exergue la maîtrise de la mise en scène inventive, la qualité des prises de vue et la force de l'interprétation.
Même son de cloche du côté de Vincent Malausa qui, dans "Les Cahiers du Cinéma", soutient que Faouzi Bensaïdi et Leila Kilani à ses côtés font figure d'avant-garde d'une fournée de cinéastes créatifs marocains, relevant que dans "Mort à vendre", "la mise en scène sait s'emballer sans forcer le trait, gardant d'un bout à l'autre une gravité que quelques figures indécises et malades teintent d'une noirceur réelle".
Mais au-delà de cet engouement des critiques, ces appréciations n'ont pas la même portée pour Faouzi Bensaïdi que celle de la reconnaissance que lui a témoignée un grand maître du cinéma mondial et icône incontestée du film noir, en l'occurrence le réalisateur américain Martin Scorsese.
"C'est un geste qui témoigne d'une générosité sans bornes et une leçon de la modestie des grands que de voir un des grands maitres du cinéma mondial écrire une lettre de félicitation sur le film", estime Faouzi Bensaïdi. Mieux, Martin Scorsese a accepté d'apporter publiquement son soutien à l'affiche du film.
Naturellement, Bensaïdi ne dissimule point son euphorie de ce précieux témoignage portant la signature du réalisateur de "Taxi Driver" et de sa rencontre prévue avec Scorsese, assurant que "ce sera un grand moment de ma vie".
Il semblerait que le cinéma marocain a bonne presse auprès de Scorsese, qui a déjà jeté son dévolu sur le film "Al Hal" (Transe) d'Ahmed Al Maânouni dans la cadre de la Film Foundation, une organisation à but non lucratif dédiée à la préservation du patrimoine cinématographique et à la prévention contre la décomposition des pellicules de films en stock.
Comme le décrit son réalisateur, "Mort à vendre" raconte l'histoire d'"une amitié et d'une trahison" où Malik, Allal et Soufiane, trois jeunes paumés, se retrouvent à Tétouan. Ils traînent des blessures communes: des problèmes familiaux, une insertion sociale difficile et une envie de s'inventer un autre destin. Les trois jeunes égarés s'embarquent dans un ultime braquage à l'issue duquel tout le monde est perdant.
Né à Meknès en 1967 et lauréat de l'ISADAC en 1990, section interprétation, Faouzi Bensaidi a suivi des études théâtrales à Paris III puis au Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD) à Paris.
Après avoir mis en scène plusieurs pièces de théâtre, il a entamé un parcours cinématographique prometteur depuis la signature de son premier court-métrage "La Falaise" (1997), avant de passer au long-métrage avec "Mille mois" (2002), et "What a wonderful world" (2006).
30 août 2013, Nizar LAFRAOUI
Source : MAP