New York, c'est la ville d'immigration par excellence. De l'Irlande à l'Italie, en passant par l'Europe de l'Est, l'Asie et à peu près tous les pays du monde, en fin de compte, les immigrants sont arrivés par millions dans la métropole américaine tout au long des XIXe et XXe siècles. Aujourd'hui, de nombreuses institutions permettent de retracer leur parcours.
Génération après génération, les nouveaux arrivants sont venus d'Europe, d'Asie, d'ailleurs en Amérique pour faire de New York l'un des centres névralgiques de la planète.
De nombreux musées témoignent de cette dimension fascinante de l'histoire new-yorkaise. Du réputé Musée de l'immigration d'Ellis Island aux musées consacrés à l'histoire des Chinois, des Italiens ou des Juifs, on peut découvrir comment les vagues successives d'immigrants ont façonné les quartiers de la ville et contribué à faire de New York un grouillant «patchwork» cosmopolite.
Aucune institution ne permet toutefois de comprendre aussi bien la vie des immigrants que le Tenement Museum, un ensemble de bâtiments comprenant sept appartements à visiter dans le Lower East Side.
C'est l'historienne et militante Ruth Abram qui a eu l'idée d'un tel musée dans les années 70. Avec son amie Anita Jacobsen, elles ont recherché pendant des années les lieux qui conviendraient à leur projet. Ce n'est qu'en 1988 qu'elles ont découvert leur trésor en visitant un local à louer dans Orchard Street. En cherchant une salle de bain au fond du local, Jacobsen a accédé à un escalier qui menait aux appartements abandonnés...
Le musée accueille ses visiteurs au 97 et au 103, Orchard Street, où une boutique, des salles de conférence et des documents d'archives sont accessibles. Mais le Tenement prend tout son sens dans les appartements que les fondateurs ont achetés et rénovés. Les étages supérieurs du bâtiment avaient été déclarés insalubres et barricadés en 1935 par leur propriétaire, demeurant inoccupés et intacts pendant plus de 50 ans.
Des «capsules intemporelles»
Mme Jacobsen raconte dans le guide du musée qu'elle a eu l'impression de découvrir une «capsule temporelle, comme si les derniers occupants n'avaient pas eu le temps de ramasser et que tout était resté comme en 1935». On devine l'ampleur des travaux pour rendre à la structure sa solidité, tout en préservant les traces des quelque 7000 immigrants qui l'ont habité.
Ces appartements ne peuvent d'ailleurs être visités qu'avec des guides qui nous amènent, selon nos intérêts, dans les pièces où ont vécu des familles d'origines diverses au XIXe ou au XXe siècle.
Le quartier hébergeait à une époque des milliers de familles d'immigrants ouvriers qui vivaient toutes dans des conditions difficiles avec l'espoir d'améliorer leur sort.
Le Tenement offre une approche unique en nous donnant accès à l'intimité des gens qui ont vécu dans chacun de ses appartements. Des historiens et chercheurs ont retracé l'histoire de ces familles et les guides du musée fournissent des informations précises et touchantes à travers lesquelles on peut mieux comprendre l'histoire de plusieurs générations d'immigrants.
Lors de notre passage, nous avons visité le dernier appartement rénové par les spécialistes du musée au 97, Orchard Street. Une famille irlandaise, les Moore, y a vécu au tournant des années 1870 une série d'événements dramatiques que le Tenement recrée avec beaucoup d'émotion. Un demi-siècle plus tard, ce sont des immigrants juifs en provenance de Russie, les Katz, qui ont dû à leur tour se battre pour survivre.
On parle souvent du «rêve américain» qui a permis à des milliers d'immigrants de faire fortune, le Tenement Museum rappelle avec justesse que tous n'y sont pas parvenus.
27/6/2013, Chantal Demers
Source : La Presse .ca