lundi 25 novembre 2024 00:12

Réduire les coûts de transferts de fonds de migrants pour mieux financer le développement

Aujourd'hui, il est 5 fois moins coûteux pour un Nigérian de recevoir 200 dollars US d'un proche vivant aux États-Unis que de quelqu'un vivant au Ghana, pays limitrophe. Réduire les frais de ces virements intra-africains faciliterait certainement l'aide locale et les projets de

Cette vérité est d'autant plus inquiétante que plus de 2/3 des migrations est avant tout une migration intra africaine. Et nombreuses sont les familles africaines qui n'ont d'autres ressources, pour survivre, que celles envoyées par leurs proches vivant à l'étranger. Un État fragile comme la Somalie, les transferts représentent 70 % de son PIB.

Cette triste réalité est la conséquence des systèmes financiers des États africains, généralement peu développés et qui n'ont pas su s'adapter à un monde en mutation où la globalisation ne se limite pas uniquement à des échanges des marchandises ou du facteur capital, mais également du facteur travail, surtout à l'intérieur du continent. S'ajoute à cela, le manque de concurrence sur le marché des envois de fonds dans beaucoup des pays africains, résultat des accords d'exclusivité d'un autre âge, souvent accordé aux 2 géants du secteur, Western Union et Money Gram.

Assouplir les contraintes réglementaires tout en sauvegardant la protection du consommateur

Dans un tel contexte, il devient urgent à ce que les pouvoirs publics africains en charge de la régulation bancaire et financière modernisent le cadre règlementaire en vigueur en matière de transfert dans leurs pays. Sans une remise en cause de la régulation actuelle, l'enthousiasme international qui est né de la déclaration des pays du G8, réunis à L'Aquila (Italie) en juillet 2009 puis réitérée dans lors du G20 à Cannes (France) en novembre 2011, risque de s'estomper. Cette déclaration des pays riches prévoit, pour la première fois, à réduire le coût moyen d'envoi de fonds des migrants de 5 %.

Aujourd'hui, rien ne justifie le maintien de la réglementation actuelle. Il est tout à fait possible pour les autorités africaines de concilier facilement la protection du consommateur et la stabilité du système financier tout en favorisant la concurrence. La diversification de l'offre sur le marché des transferts va abaisser les coûts exorbitants et inciter les opérateurs à recourir de plus en plus à la technologie telle que la téléphonie mobile. La baisse des coûts de transferts permettrait également de limiter la part des transferts informels et serait une solution sérieuse au dilemme posé par les hawalas qui échappent souvent aux règlementations nationales et internationales.

Transferts des migrants constituent une source efficace de financement du développement

Une réduction des obstacles réglementaires entraînerait automatiquement un accroissement conséquent du flux de transferts vers les pays en développement. Une baisse de 5 % du coût des transferts, si on reprend l'objectif du Sommet de G8 d'Aquila en juillet 2009 ; permettrait d'accroitre de 20 milliards de dollars US chaque année, le volume des transferts des migrants vers les pays en développement qui ont reçu, en 2012, près de 400 milliards de dollars US.

Pour l'Afrique ce flux est de l'ordre de 60 milliards de dollars US en 2012 et une réduction de 5 % du coût de transfert représenterait 3 milliards de dollars US supplémentaires. Les envois constituent donc une source additionnelle pour le financement du développement si des politiquent adéquates sont entreprises afin de mieux optimiser leur volume et les orienter vers les secteurs productifs.

L'intérêt de promouvoir cette source de financement est multiple. D'abord, ce type de financement n'est pas soumis aux mêmes contraintes que l'aide publique au développement. Le problème récurrent des problèmes de capacité d'absorption de certains pays, au-delà' duquel l'augmentation de l'aide n'a plus d'impact positif sur le développement ne concerne pas les transferts des migrants. Il n'y a pas une administration qui gère cette ressource. Les transferts arrivent directement vers les particuliers, donc moins de coûts de transaction.

Ensuite, les transferts des migrants constituent une source de financement stable, comparés aux investissements directs étrangers et à l'aide publique au développement.

Enfin, la suppression des contraintes réglementaires favoriserait l'impact positif des transferts des migrants sur le quotidien des populations pauvres. Car les transferts des migrants soutiennent l'inclusion financière qui nécessite souvent des réformes juridiques et réglementaires. Les personnes n'ayant pas de compte bancaire auront la possibilité d'accéder à des services financiers sûrs et accessibles (en termes de coût et distance).

Des tels résultats seront possibles également grâce aux solutions innovantes telles que l'E-Banking ou le Mobile Banking qui vont faciliter l'accès aux populations non bancarisées à l'économie formelle via le téléphone portable. Cette dynamique impulsera sans doute, pour les banques commerciales, des nouveaux perspectifs développements de leur marché traditionnel, car le principal atout de la téléphonie mobile réside dans sa capacité à pénétrer tous les milieux et à pouvoir être joint de n'importe où.

Ces innovations vont aussi permettre d'offrir des services d'épargne à des personnes qui disposent d'un téléphone portable, mais qui sont dépourvues de compte bancaire parce qu'elles vivent dans le milieu rural ou elles ne travaillent pas.

Aujourd'hui, plusieurs raisons expliqueraient l'inertie qui caractérise les États africains sur cette question. D'abord, la production et la diffusion des connaissances sur l'impact des transferts des migrants restent limitées. Peu des pays ont intégré la problématique des transferts des migrants dans leur stratégie de développement. Et enfin, l'assistance technique internationale sur les opportunités que représente le financement des migrants est rare.

05/09/2013, Ismael MAHAMOUD

Source : lesechos.fr

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