dimanche 24 novembre 2024 20:44

Régularisations contre sécurisation : le compromis de la réforme de l'immigration aux Etats-Unis

Cheval de bataille du second mandat de Barack Obama, la réforme du système d'immigration américain entre, lundi 24 juin, dans sa phase finale à la chambre haute du Congrès, où le volet sur la sécurisation de la frontière sud des Etats-Unis devrait être validé par un vote de procédure.

L'adoption de la réforme entière aura lieu en fin de semaine, et la Chambre des représentants, contrôlée par les républicains, prendra ensuite le relais, pour une promulgation espérée d'ici à la fin de l'année.

Elaboré et dévoilé le 16 avril par un groupe bipartite de huit sénateurs, le projet de réforme de l'immigration a fait l'objet de compromis entre les camps démocrate et républicain (plus de 200 amendements ont été passés en revue en commission). En cas de victoire, Barack Obama deviendrait le premier président depuis Ronald Reagan, en 1986, à promulguer une réforme migratoire majeure. Ronald Reagan avait alors régularisé 3 millions d'étrangers en situation irrégulière et provoqué un nouvel afflux de sans-papiers, avec la bénédiction du patronat, pour qui l'immigration est un moyen de négocier les salaires à la baisse.

LA RÉFORME IMPOSSIBLE ?

Les régularisations massives de l'administration Reagan n'ont pas freiné l'immigration clandestine. Depuis lors, les entrées irrégulières n'ont pas cessé, et le nombre d'illégaux a atteint 11,2 millions. Ils sont majoritairement mexicains, mais aussi originaires d'Amérique latine et d'Asie. Ils forment, dans leur majorité, une main-d'œuvre faiblement qualifiée. Pour la plupart d'entre eux, l'entrée sur le territoire américain s'est faite par la frontière mexicaine, une frontière terrestre longue de 3 200 kilomètres. Les tentatives pour la sécuriser ont jusqu'à présent échoué.

Le 11-Septembre et la crise économique ont attisé la peur de l'étranger, au point que ni George W. Bush, en 2007, ni Barack Obama, en 2010, n'ont pu faire adopter leurs projets de régularisations. En décembre 2010, le président Obama avait même échoué à faire passer au Congrès, du fait de l'opposition des républicains, le Dream Act (Development, Relief and Education for Alien Minors – "développement, secours et éducation pour les mineurs étrangers"). Ce projet de loi en souffrance, déposé au Sénat en août 2001 par les sénateurs Dick Durbin (Parti démocrate) et Orrin Hatch (Parti républicain), visait à régulariser – sous conditions – les enfants arrivés tout jeunes aux Etats-Unis.

Les "dreamers", ces militants du Dream Act – dont l'immense majorité est d'origine hispanique –, n'ont cessé d'appeler de leurs vœux la promulgation d'une loi en faveur des sans-papiers. En juin 2012, en pleine campagne électorale, le président Obama s'est rendu populaire auprès de la communauté hispanique en suspendant les reconduites à la frontière d'immigrants clandestins de moins de 30 ans. Une manière de faire oublier sa politique de répression massive, alors que son premier mandat avait été marqué par un nombre record d'expulsions (400 000 par an). Par un décret pris le 15 juin, Barack Obama a également assuré aux sans-papiers de moins de 30 ans arrivés avant l'âge de 16 ans aux Etats-Unis de pouvoir obtenir un permis de travail.

LE PROJET :

Régulariser 11 millions de clandestins

Pour ce projet de réforme de l'immigration, républicains et démocrates ont négocié un compromis global basé sur deux objectifs : ouvrir une perspective (un "chemin") vers la régularisation, voire la nationalité américaine pour les 11 millions d'irréguliers ; transférer une partie de l'immigration familiale vers une immigration de travailleurs sélectionnés pour leurs talents. Le "chemin" vers la nationalité durera treize ans, ne concernera que les illégaux entrés avant le 31 décembre 2011 et ne s'ouvrira que lorsque les 3 200 km de frontière avec le Mexique auront été "sécurisés". Les candidats à la délivrance de papiers devront parler anglais, payer une amende de 500 dollars, ne pas dépendre des aides sociales ni avoir commis de délit majeur.

Le second volet de la proposition de loi supprime la célèbre "loterie" qui, chaque année, distribue 55 000 visas, et instaure un système inédit aux Etats-Unis d'attribution au "mérite". Pour décrocher 120 000 cartes de résident (la "green card"), les candidats accumuleront des points en fonction de leur niveau d'études, de leurs talents et, éventuellement, de leurs liens familiaux aux Etats-Unis et de la durée de leur séjour. Les nouveaux venus, comme les sans-papiers déjà présents, y seront éligibles.

En parallèle, le regroupement familial sera plus limité, passant de 75 % à 50 % du total, au profit de l'immigration de travailleurs qualifiés permanents. Le texte instaure également des quotas de salariés temporaires hautement qualifiés, de salariés agricoles et sans qualification. De quoi satisfaire à la fois les industries de pointe, les agriculteurs, le secteur des services et même les syndicats (certaines professions touchées par le chômage ont été écartées).

24.06.2013 , Hélène Sallon

Source : Le Monde.fr

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