dimanche 24 novembre 2024 23:48

Responsable politique congolais à la rencontre la diaspora congolaise au Maroc

"Allons à la recherche des cadres que nous avons envoyés en formation à l'étranger"

Nesthésiste, et réanimateur de formation, Dr Marcel Guitoukoulou est la première personnalité politique du Congo-Brazzaville à rencontrer la diaspora congolaise du Maroc.

Promoteur d'une nouvelle politique fondée sur «la rupture et le changement», le président du Congrès du peuple était ce week-end à Casablanca où il a rencontré, samedi 26, ses compatriotes en vue
de les sensibiliser sur diverses questions touchant à l'avenir du Congo et, surtout, les éclairer sur sa démarche.
Libé : Dr. Marcel Guitoukoulou, en quoi consiste votre visite au Maroc ?

Marcel Guitoukoulou : Merci de nous accorder ce privilège de nous recevoir dans vos médias. En fait, notre présence en terre marocaine s'explique par le simple fait qu'en tant que promoteur d'une nouvelle idée politique au Congo, fondée sur la rupture avec l'ordre et le système actuellement en vigueur au Congo, nous entretenons des contacts assez étroits avec tous les Congolais où qu'ils se trouvent, qu'ils soient dans les pays intra muros ou à l'extérieur.

Depuis plusieurs années, nous assurons la promotion de la rupture. Ainsi, après l'Hexagone, l'Afrique de l'Ouest et récemment l'Ukraine, aujourd'hui nous voici en terre chérifienne.

Vous êtes le premier politicien à s'intéresser à la communauté congolaise au Maroc. Pourquoi?

J'aimerais relever quelque chose dans la formulation de votre question : je ne suis pas un politicien, je suis un politique. Parce qu'il y a une différence entre un politicien et un politique: le politique, c'est quelqu'un qui plante une semence pour l'avenir; le politicien, c'est celui qui se préoccupe uniquement de son élection ou de sa réélection. Je ne suis pas du tout dans ce dernier cas de figure. J'aimerais me placer dans l'optique de bâtir quelque chose de solide et laisser un fondement démocratique et de développement économique dans notre pays, où chaque Congolais puisse trouver sa place.
Au regard des informations que j'ai recueilliers auprès de la communauté congolaise au Maroc, qui est assez disparate du point de vue de sa composition, je me suis dit que ce serait quand même dommage de ne pas lui rentre visite, d'autant plus que de Paris, je suis à 2h du Maroc à vol d'oiseau. C'est aussi une façon de dire qu'on ne s'intéresse pas qu'à ceux qui sont proches de nous et que nous avons de l'amour pour ce pays. Parce que faire tous ces déplacements si on n'a pas l'amour du pays, si on n'a pas cette ambition d'être un politique, non pas un politicien, on ne le ferait pas. Mais comme on a une nouvelle idée forte à exposer aux Congolais, la rupture, nous voici donc au Maroc pour rencontrer la communauté congolaise.

La communauté congolaise au Maroc est composée en majorité d'étudiants. On peut imaginer que votre message est différent de celui tenu dans d'autres régions. Pouvez-vous nous en donner une idée ?

Mon discours ne sera ni différent ni identique ; il s'adapte à la réalité nationale et des Congolais du Maroc. On sait que la plupart des étudiants qui sont ici vivent des problèmes à l'instar de leurs compatriotes du Congo.

Donc, notre idée de rupture est dans ce que nous avons comme projet de société, l'idée de ce que chacun doit être considéré en fonction de sa formation et gagner sa vie selon son mérite. Et le mérite, c'est justement le sacrifice que chacun consent pour venir étudier loin de sa famille.
Comme vous savez, ce n'est pas facile de quitter sa famille et de s'expatrier pour réaliser ses ambitions et s'accomplir en toute liberté. Mais ce niveau de liberté passe par l'éducation, la formation et une fois qu'on l'acquiert, qu'est-ce qu'on en fait ? En sillonnant le monde, on rencontre des Congolais qui ont fini leurs études, mais qui ne sont jamais rentrés pour plusieurs raisons, entre autres, une inadéquation entre la formation, les compétences acquises et les offres concrètes sur le terrain. Ce n'est pas de leur faute. C'est aux politiques et non pas aux politiciens de pouvoir réfléchir sur cette question en vue d'apporter des réponses adéquates.

A vous comprendre, on a le sentiment que les choses ne vont pas dans le bon sens...

Je n'ai pas l'impression ; au contraire, j'ai la certitude qu'il faut engager une rupture dans ce domaine.

Vous vous adressez aux étudiants. Qu'est-ce qui vous inquiète aujourd'hui au niveau du Congo et qui puisse avoir des conséquences sur leur avenir ?

Mon inquiétude, c'est de voir que l'Etat congolais s'intéresse très peu aux cadres qu'il envoie en formation à l'étranger. Pourquoi les politiciens ne viennent-ils pas au Maroc à la rencontre des jeunes qu'ils ont envoyés en formation et dont ils doivent pouvoir tirer le maximum pour que le pays puisse se développer?.

On envoie un médecin, un informaticien ou qui que ce soit en formation; mais en retour, on attend que ces sacrifices consentis par l'Etat puissent être dans un cadre de contrat moral et social avec l'étudiant que ce dernier doit lui rendre. Mais, on constate que l'Etat les oublie, et je comprends pourquoi, nous sommes dans un système fermé qui se sert des autres pour ses propres ambitions, propres biens et la condition sociale des uns et des autres, fussent-ils des étudiants, qui constituent l'avenir du pays.

Ce ne sera pas notre démarche, la nôtre est de dire aux étudiants : «Vous avez été formés, nous sommes l'Etat, voici le cadre légal, social et économique où nous pouvons évoluer, nous avons un cahier des charges». Que pouvons-nous faire ensemble pour construire le pays ?

Il faut aller à la recherche et à la motivation des cadres que nous avons envoyés en formation parce que quand ils arrivent dans des pays comme le Maroc, où finalement le niveau social, la qualité de vie, des soins et de l'éducation sont intéressants, la plupart étant maintenant mariés et ayant des enfants, se disent à quoi bon rentrer au pays alors qu'ici nous pouvons avoir ce que nous n'avons pas chez nous. Ils sont obligés de s'installer.

Pour beaucoup, c'est une immigration économique; pour d'autres ils se disent: « J'ai fini. Comme je n'ai pas d'emploi et que la formation que j'ai faite ne me donnera pas la possibilité d'exprimer ma compétence dans le pays, qu'est-ce que je fais?» Le poisson cherche là où il y a de l'eau pour vivre. Il a trouvé de l'eau au Maroc, en France, aux Etats-Unis, en Angleterre partout ailleurs dans le monde; il préfère donc s'y installer. Mais c'est à l'Etat qu'échoit la responsabilité d'aller à la pêche des cadres qu'il a envoyé se former, à la pêche des cadres qui doivent rendre service au pays pour les motiver afin que, main dans la main, on puisse promouvoir cette idée de rupture et bâtir un Congo où il fera finalement bon vivre pour tout le monde.

Vous avez visité de nombreux pays pour exposer votre point de vue. Comment avez-vous perçu la réaction des Congolais que vous avez rencontrés ?

La réaction est plutôt favorable, mais la question est que pour l'instant nous ne sommes pas aux affaires; donc nous n'avons pas la décision politique pour changer ces choses. C'est pour cette raison que notre message dans le cadre de cette rupture, est de dire aux Congolais: "Formons un front commun pour le changement, pour la rupture; donnez-moi les moyens de vous donner les moyens de vous réaliser".

Que diriez-vous aux Congolais du Maroc qui n'ont pu assister à votre rencontre?

Je suis prêt à recevoir et à faire route ensemble avec tous ceux qui sont pour le changement et la rupture, qu'on se donne la main pour construire ensemble une nouvelle société.

30/10/2013

Source : Libération

 

Google+ Google+