Les migrations internationales ont toujours existé, et elles se poursuivront. Et tant mieux, car elles sont facteurs de développement. C'est en substance ce qui s'est dit ces derniers jours à New York à l'occasion du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement. Catherine de Wenden, spécialiste des migrations internationales pour le CNRS a assisté à cette réunion où les enjeux de la gestion des flux migratoires ont été confrontés aux opportunités créées par ces migrations.
Vous revenez de New York où s'est tenu un Dialogue de haut niveau sur les migrations dans le monde durant l'Assemblée générale des Nations Unies. Pourquoi cette initiative internationale ?
Catherine de Wenden : Cette idée est apparue en 2006, année durant laquelle un premier Dialogue de haut niveau s'était déroulé. Cette édition a tenu lieu de bilan d'une des créations du Dialogue de haut niveau, les Forums mondiaux « Migrations et développement ». Depuis 2007 et chaque année s'est déroulé un de ces forums dans une région du monde différente, où se sont réunis Etats, société civile, organisations intergouvernementales, ONG, organisations internationales et tous les acteurs qui, de près ou de loin, s'intéressent aux questions de migration pour émettre, autour de la table, leurs suggestions.
Ces derniers jours, New York a accueilli tous ces acteurs pour étudier des thématiques centrées sur les rapports entre les migrations et le développement. L'un des aspects les plus marquants a été la réaffirmation de facteurs positifs qui entourent l'immigration, qu'il s'agisse de développement économique ou de développement humain, à la fois pour les pays de départ et pour les pays d'accueil.
Sans migrations, les Etats auraient beaucoup plus de difficultés économiques et démographiques que celles qu'ils ont aujourd'hui. D'autre part, ce Dialogue de haut niveau a permis de montrer qu'il est très difficile de vouloir respecter rigoureusement les droits de l'Homme, la mobilité des travailleurs, tout en voulant totalement la sécurité des frontières.
Quelles sont aujourd'hui les grandes tendances migratoires, sont-elles principalement économiques ?
Catherine de Wenden : Le récent drame de Lampedusa est malgré tout un exemple de migration économique. Si certains de ces migrants envisageaient peut-être de demander l'asile, la plupart étaient là pour trouver un travail. L'essentiel de l'immigration à l'échelle mondiale est une immigration de travail.
Aujourd'hui, à l'échelle mondiale, presque autant de migrants vont vers le Sud que vers le Nord. 3,1 % de la population mondiale, ce qui est très peu, est en situation de migration internationale. Parmi cette population, 130 millions de personnes se dirigent vers le Nord tandis que 110 millions se dirigent vers le Sud.
Les migrations vers le Sud vont également être un grand enjeu pour les années à venir, dans un contexte où de nombreux pays du Sud n'ont pas mis en place de politique migratoire.
Cette migration vers le Sud absorbe une partie des flux qui se seraient dirigés vers le Nord, et cela permet à des pôles du Sud de se développer davantage.
Si les migrations étaient réparties à travers le monde, il y aurait moins de pôles de fixation pour les migrants, mais également pour l'opinion publique.
Quels ont été les grands axes de ce Dialogue de haut niveau ?
Catherine de Wenden : La thématique centrale était « les migrations et le développement ».
La plupart des travaux qui ont été présentés ont montré que l'immigration a toujours existé et qu'elle va se poursuivre, mais également que les migrations sont un facteur de développement, qu'il s'agisse des pays de départ, notamment pour les transferts de fonds, ou des pays d'accueil, puisque la migration crée des emplois de nouvelles initiatives.
Dans les pays occidentaux, l'immigration fait pourtant encore très peur. Pensez-vous qu'en temps de mondialisation, les migrations internationales finiront par devenir banales ?
Catherine de Wenden : Je crois qu'il faudrait déjà une volonté politique plus forte pour mener des politiques d'intégration, qui sont souvent le parent pauvre des politiques migratoires.
Pendant très longtemps, on n'a pas mis l'accent sur ces politiques puisqu'on considérait que la migration était provisoire, que les migrants allaient repartir chez eux. Les politiques de retour, qui sont en place depuis des décennies, ont échouées.
Il faut faire le bilan de ces échecs, qu'il s'agisse des contrôles aux frontières, des politiques de retour, des tentatives d'impulsion de développement dans les pays de départ. Tous ces instruments qui sont pensés comme des alternatives à la migration sont des expériences qui ont échoué.
Il faut aujourd'hui réaliser que nous allons vivre avec ces migrations. Il faut prendre conscience que ce phénomène va accompagner le 21e siècle, sans doute le 22e.
Quels sont désormais les objectifs que les Etats doivent atteindre pour gérer ces flux migratoires ?
Catherine de Wenden : L'idée est d'insérer la question de la migration et l'accompagnement de la mobilité dans les Objectifs du millénaire pour le développement. Il ne faut pas oublier que lorsque ces Objectifs ont été définis, il n'y avait pas encore eu le premier Dialogue de haut niveau.
Même si peu de gens migrent hors de leurs frontières – 750 millions de migrants internes contre 240 millions de migrants internationaux -, il faut faciliter le développement humain, l'éducation, à travers l'immigration, favoriser le travail décent, favoriser l'égalité homme-femme.
Tous ces objectifs ont été énoncés et c'est important de démontrer que l'immigration y contribue plutôt qu'elle n'aggrave la possibilité d'échouer à les atteindre.
09/10/2013, Sybille De Larocque
Source : jolpress.com