Les travailleurs frontaliers tout comme les requérants d'asile n'ont plus la tâche facile en Suisse où, partout, "le spectre de l'immigration de masse" fait son chemin dans les recettes explosives de l'extrême droite.
L'idée des quotas annuels d'immigrés n'est, justement, que la dernière en date des trouvailles de l'Union démocratique du centre (UDC), parti populiste arrivée en tête des élections fédérales d'octobre 2011.
Comme un effet de mode, l'UDC multiplie les campagnes alarmistes contre les étrangers, dont le rejet devient son cheval de bataille pour récolter les faveurs des mécontents et de tous les indécis.
Et pour cause, l'extrême droite voit dans l'immigration "une source de problèmes" : la montée de la criminalité, la hausse des loyers et de transports en commun bondés. D'où son "combat contre l'immigration de masse" pour une gestion autonome des flux des étrangers en Suisse où le taux de chômage dépasse tout juste les 3 pc, contre plus de 12 pc dans les pays de la zone euro.
Tout a commencé un jour de février 2012 quand les délégués du parti ont voté un texte sur l'immigration jugé "réactionnaire" et "mal à propos" par la gauche, les verts, les milieux des affaires et un large pan de la société.
A la surprise générale, le projet récolte plus de 136.?000 signatures de Suisses de plus en plus défavorables à la libre circulation des personnes. Les députés s'en sont ensuite saisis et ont fixé la date du 9 février prochain pour un référendum populaire qui devrait sceller son sort.
Fait marquant, l'initiative "contre l'immigration de masse" a toujours la cote parmi les Helvètes dont un peu plus de 50 pc y apportent leur soutien à moins de deux mois du verdict des urnes, selon les sondages.
Elle prend rapidement la dimension d'une dénonciation de l'accord de libre-circulation signé avec Bruxelles, comme l'a reconnu la ministre de la Justice, Simonetta Sommaruga. Une manière de dire que le projet en question obligerait la confédération helvétique à dénoncer la libre-circulation avec l'UE, estiment ses promoteurs.
Au pied du mur, le gouvernement se montre catégorique sur toute la ligne: "le partenariat avec les Vingt-huit est bien plus global. C'est un contrat que nous avons signé en toute connaissance de cause avec Bruxelles et qui a été approuvé par le peuple".
Le conseil fédéral (exécutif) estime que cette mesure nuirait à l'économie et tendrait les relations avec les partenaires européens. "Approuver cette initiative menacerait les relations bilatérales nouées de longue date avec l'UE", a mis en garde la semaine dernière le ministre des Affaires étrangères, Didier Burkhalter.
A son tour, le conseil national (Parlement) a balayé les propositions des populistes de l'UDC, qui sont activement soutenus par le jeune parti d'extrême droite, Mouvement des citoyens genevois (MCG).
Cela n'a pas empêché 70 députés à se prononcer devant le conseil pour "un débat fleuve" sur la question de l'immigration, tout en proposant de rejeter la démarche de l'extrême droite en tant que telle. En revanche, celle-ci continue à faire de la résistance et à mobiliser l'opinion publique en arguant que le solde migratoire annuel, évalué entre 70.000 et 80.000, menacerait l'équilibre interne du pays.
Dans l'autre bout de la scène, la majorité des partis penchent pour des mesures d'accompagnement et une meilleure maîtrise de l'aménagement du territoire pour gérer les tensions sur le marché du travail et la problématique du logement.
Pays connu pour sa tradition ancestrale d'accueil, la Suisse compte plus de 1,9 million de résidents étrangers permanents sur une population totale de huit millions de personnes.
Le nombre d'étrangers issus de pays de l'UE a augmenté de 4,6 PC au cours de l'année en cours pour s'établir à 1,23 million, selon l'Office fédéral suisse des migrations.
28 nov. 2013, Abdellah CHAHBOUN
Source : MAP