L'escale, documentaire de l'Iranien Kaveh Bakhtiari, est un témoignage bouleversant sur la question brûlante de l'immigration clandestine. A découvrir toutes affaires cessantes. Voici pourquoi...
Découvert à la Quinzaine des Réalisateurs, L'Escale, documentaire de l'iranien Kaveh Bakhtiari livre un témoignage aussi passionnant que bouleversant sur la question brûlante de l'immigration clandestine. A découvrir toutes affaires cessantes. Voici pourquoi...
Un film personnel qui sait se faire universel
Kaven Bekhtiari est né à Téhéran mais a grandi en Suisse où il est arrivé à l'âge de 9 ans et a suivi, plus tard des études de cinéma avant de signer en 2007 La valise, un court- métrage multi-primé à travers le monde qui l'a conduit un jour à un festival en Grèce.
Peu avant de partir pour cette manifestation, il apprend qu'un membre de sa famille qu'il avait perdu de vue a fui l'Iran pour rallier -en espérant aller ensuite de là plus à l'Ouest de l'Europe- l'île grec de Samos où il eut pour sel comité d'accueil des policiers qui l'ont directement conduit à la case prison.
Sensible à cette histoire, Bekhtiari l'attendra à la sortie de son incarcération pour qu'il le conduise dans le lieu où il (sur)vit en attendant de pouvoir repartir vers un autre horizon qu'il imagine doré: une buanderie emménagée en petit appartement à Athènes par un autre immigré iranien pour ses compagnons d'infortune.
L'escale raconte le quotidien de ces "naufragés", entre peur(s) et espoir(s). Des individus qui racontent des destins invididuels hélas trop souvent universels.
Un film d'une humanité jamais condescendante
Pour parvenir à ce résultat, Kaveh Bakhtiari a passé un an à Athènes et a choisi de s'installer au milieu de ces migrants en transit, dans cet appartement de fortune. Parce que vivre à l'hôtel et leur rendre visite ponctuellement était impossible à imaginer pour lui.
Comme si, par ce geste, il aurait été un vulgaire voleur qui, tel un vautour, serait venu capter des instants de leurs vies pris au hasard. S'installer au milieu d'eux aurait pu donner naissance à un autre écueil: transformer l'empathie en condescendance. Car, forcément, quoi qu'il arrive, Bakhtiari peut circuler librement dans le monde entier.
Pas eux. Or L'escale ne verse jamais dans le larmoyant facile ou l'angélisme. Il montre la vie dans ce qu'elle a parfois de plus inattendue comme de plus injuste, sans pour autant créer un suspense indécent sur qui va pouvoir poursuivre son voyage illégal vers un possible meilleur et qui échouera.
Un film qui éclaire l'actualité tragique récente
La question de l'immigration clandestine fait régulièrement la une des journaux. Surtout lorsque des tragédies comme celle récente de Lampedusa apporte son lot terrible de victimes. Mais souvent ce sujet se résume à des chiffres, à des déclarations de politique générale, certes indispensables mais forcément incomplets.
L'escale apporte sa pierre à l'édifice en mettant des visages et des destins sur ces chiffres. Nulle intention de la part de Bakhtiari de se poser en donneur de leçons, en délivreur de solutions toutes faites. Il n'est pas politicien mais cinéaste. Alors, il donne à voir.
Avec toute sa subjectivité mais aussi son oeil de réalisateur, fortement influencé par sa rencontre, plus jeune, avec Abbas Kiarostami(Le goût de la cerise) qui lui avait expliqué ainsi sa vision du cinéma: "dans chaque film, il y a une pierre précieuse qu'il te faut
25/11/2013, Thierry Chèze
Source : lexpress.fr