lundi 25 novembre 2024 01:25

Un rapport sur le droit d'asile remet en lumière la famille Dibrani

Sans l'affaire Leonarda, le rapport remis jeudi 28 novembre à Manuel Valls sur le droit d'asile n'aurait sans doute pas eu le même écho. Commandé par le ministre de l'Intérieur bien avant que la famille Dibrani ne soit expulsée vers le Kosovo, ce texte qui préfigure peut-être une future réforme a été rédigé par une sénatrice UDI (Valérie Létard) et un député PS (Jean-Louis Touraine) qui ont multiplié les consultations depuis le 15 juillet.

Parmi les points noirs mis en évidence, la durée de la procédure qui suscite de faux espoirs aux demandeurs qui s'intègrent au sein de la population en attendant d'être définitivement déboutés.

C'est exactement ce qui est arrivé à Leonarda et sa famille qui vivent désormais dans les faubourgs de Mitrovica, au Kosovo. Un mois et demi après l'expulsion, et alors que l'adolescente a disparu des médias, le HuffPost revient sur son quotidien et sur les suites que cette affaire pourrait prendre.

Les huit membres de la famille Dibrani vivent dans le petit pavillon mis à leur disposition par les autorités kosovares non loin de la gare routière de Mitrovica. Dans le cadre d'un programme de soutien aux rapatriés, le gouvernement a également offert du bois pour passer l'hiver rigoureux ainsi que de quoi manger pendant environ deux mois.

"Tu comprends, on n'a plus de thunes"

Mais en dépit de tout cela, les conditions de vie sont précaires et les températures négatives rencontrées ces jours-ci au Kosovo n'arrangent rien. Et même si les autorités ont décidé d'accompagner financièrement la famille, l'argent commence à manquer "Tu comprends, on a plus de thunes", a même lâché Leonarda à un journaliste de Libération venu faire son portrait pour le quotidien il y a moins de deux semaines.

Tant est si bien qu'à l'image des people, l'ado et son père monnayent désormais les interviews. Non sans avoir marchandé, l'envoyé spécial du quotidien a dû payer 50 euros pour pouvoir poser ses questions. Dans cet entretien, le dernier publié par un média français, on découvre une adolescente déboussolée qui vie au jour le jour avec des perspectives d'avenir réduites. Elle raconte un quotidien pénible et dit beaucoup penser au pays qu'elle a quitté et à ses camarades du collège André Malraux de Pontarlier. "Je vais un peu sur Facebook, parler avec des amis en France", explique-t-elle.

Pour le reste, la situation n'est pas facile à cerner. Le père, Resat, qui est né au Kosovo a entrepris des démarches pour obtenir une carte d'identité avec cette nationalité. Il est le seul à avoir accompli une telle démarche. "Je ne veux pas être kosovare! Sinon, ça sera plus difficile d'avoir des papiers français, et moi, ma nationalité est française", explique la jeune femme. Car personne, au sein du clan, n'a fait une croix sur un retour dans l'Hexagone. "Rien n'empêchera la famille de rentrer en France par ses propres moyens", assure au HuffPost un membre de l'équipe RESF du Doubs. C'est ce réseau qui, via une tribune, avait révélé l'arrestation de la collégienne au cours d'une sortie scolaire.

Un dernier espoir le 7 janvier

Pour revenir, il reste un petit espoir judiciaire. Celui-ci sera examiné le 7 janvier. Ce jour-là, le tribunal administratif de Besançon étudiera le recours déposé fin octobre par Me Brigitte Bertin, l'avocat de la famille. Elle sollicite l'obtention d'un titre de séjour "vie privée et familiale" pour le père, Résat, et la mère, Gemilja. Son recours demande l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui a été prononcée par le préfet du Doubs le 19 juin dernier. "Mais comme cette OQFT a déjà été exécuté, il y a des risques que la décision ne soit que symbolique", craint RESF. La réponse sera connue les trois semaines suivantes; une lettre recommandée sera adressée à l'avocate.

Et ce ne sont pas les menaces que cette dernière a reçues récemment qui vont lui faire arrêter ce combat. "J'exerce cette profession avec un minimum de convictions et je ne vais pas me laisser dissuader par des correspondances de personnes qui ne partagent pas mon positionnement. On a le droit moralement de ne pas être d'accord avec mon activité, mais juridiquement on n'a pas le droit de menacer un auxiliaire de justice tout simplement car il exerce son métier", a expliqué Me Bertin qui a été contrainte de porter plainte après avoir reçu 33 lettres menaçantes, pour la plupart racistes. "Pour moi l'expéditeur est potentiellement dangereux parce que le phénomène de rumination et le phénomène de fixation peuvent engendrer un passage à l'acte", craint son avocat Me Randall Schwerdorffer.

Au plan local, l'affaire a également des conséquences: elle a notamment fait éclater une guerre entre RESF et le comité de soutien à la famille Dibrani, incarné par l'ancien maire de Leviers, Gérard Guinot. En cause, les actes de ce dernier alors qu'il se réclamait parfois du réseau. "Mais son comportement, notamment le fait d'accompagner la famille jusqu'à l'avion pour leur expulsion, va à l'encontre de nos valeurs. Il ne peut pas se réclamer de RESF", poursuit un cadre local du réseau.

Dans de récentes déclarations à la presse, Gérard Guinot a également critiqué sévèrement le père de famille, Resat Dibrani. Dans La presse pontissalienne, un magazine local, il a expliqué que "c'est un Rom dans toute sa splendeur, qui peut être coléreux et parfois violent. Il a totalement manipulé sa famille", précise-t-il. Des propos aussitôt qualifiés de "racistes" par RESF. Résultat, Gérard Guinot envisage de tout "plaquer". Quitte à couper les liens avec Leonarda.

28/11/2013, Alexandre Boudet

Source : huffingtonpost.fr

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