Synthétisant les grands principes de l'école laïque, la charte fera écho à l'« enseignement moral et civique » mis en place par le ministre de l'éducation, Vincent Peillon.
Alors qu'élèves et professeurs se préparent à la rentrée des classes, le ministre de l'éducation a annoncé lundi 26 août qu'une « charte de la laïcité » sera affichée en septembre dans les écoles, collèges et lycées. L'an dernier, Vincent Peillon avait déjà évoqué sa création pour faire pendant au document diffusé depuis 2007 dans les services publics. « Je veux que cette rentrée 2013 soit aussi la rentrée des valeurs de la République à l'école », a martelé le ministre dans un entretien publié lundi dans la presse régionale.
Long de 17 articles, l'avant-projet de cette charte, présenté en juillet au Conseil supérieur de l'éducation, réaffirme le caractère laïque de l'école publique. Véritable résumé de la laïcité à la française, le document souligne qu'« aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse (...) pour contester à un enseignant le droit de traiter une partie du programme ». S'ensuit une explication du principe de « l'État neutre » qui « repose sur une culture du respect et de la compréhension de l'autre ». Concis, le texte se veut lisible par tous les élèves.
« Il ne suffit pas d'afficher les grands concepts pour les rendre effectifs »
Cette annonce intervient après le vif débat estival sur le port du foulard à l'université puis les déclarations de Manuel Valls sur l'islam, mal reçues par une partie de la gauche. Prudent, Vincent Peillon a donc tenté de déminer le terrain. Pour lui, « la question de la laïcité ne tourne pas à l'obsession de l'islam » et « la très grande majorité » des musulmans est « convaincue des bienfaits de la laïcité ». Disciple de Ferdinand Buisson (1), le ministre s'est fait le chantre de la laïcité au point d'être traité de « laïcard » par certains élus de l'opposition.
Dans l'élaboration de son projet de loi portant refondation de l'école, il proposait l'instauration de cours de « morale laïque ». Il a dû sur ce point modérer ses ambitions. Ce qui, dans la loi votée en juin, est devenu l'« enseignement moral et civique » prendra corps d'ici à 2015 afin de « mener les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi ».
Les chefs d'établissement louent les efforts du ministre, tout en restant sceptiques sur leur portée. « La charte est un texte bien écrit et qui rend accessibles de grands concepts, mais il ne suffit pas de les afficher pour les rendre effectifs », commente Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN, syndicat majoritaire chez les principaux et proviseurs.
Même son de cloche du côté des professeurs des écoles. « Cette charte n'aura d'utilité que si les enseignants sont accompagnés dans sa mise en œuvre. Or, pour l'heure, les cursus des nouvelles Écoles supérieures du professorat et de l'éducation n'accordent guère d'importance aux questions de laïcité », déplore Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp (FSU).
Redonner quelques repères
Si aucune étude ne permet de faire un point précis sur les incidents liés à la religion à l'école, ce sujet revient régulièrement sur le devant de la scène. Les tensions se nouent surtout autour de quelques disciplines. « En sport, c'est la question de la mixité et de la tenue vestimentaire, en biologie, celle de l'évolution et en histoire, le conflit israélo-palestinien qui créent parfois des problèmes », résume Éric Krop, proviseur dans un lycée des Hauts-de-Seine. « La charte de la laïcité doit inciter les élèves à raisonner leurs croyances ou leurs incroyances, sans jamais nier l'appartenance globale, qui est citoyenne. Le réaffirmer est essentiel, car si les pratiques religieuses continuent à décroître, des extrémismes s'affirment », estime Dominique Borne, doyen honoraire de l'inspection générale de l'éducation nationale, ancien président de l'Institut européen en sciences des religions.
Du côté des parents d'élèves, on insiste sur la nécessité de s'adresser aux familles. « On ne peut pas demander aux enfants de respecter des règles que leurs parents, souvent, ne connaissent ou ne comprennent pas », estime Valérie Marty, présidente de la Peep. Pour elle, ce document devrait être transmis aux parents via les carnets de correspondance.
Pour les enseignants, la charte pourrait permettre de redonner quelques repères. C'est en tout cas l'avis d'Alain Seksig, membre du Haut Conseil à l'intégration, coauteur de l'ouvrage Pour une pédagogie de la laïcité à l'école (Éd. La Documentation française, 2012). Les professeurs, estime-t-il, ont longtemps eu le sentiment d'être livrés à eux-mêmes, jusqu'aux travaux de la commission Stasi et à la loi qui en a découlé, en 2004.
« Beaucoup ont besoin de clarifications concernant la façon de présenter la laïcité au sein de la classe ou d'en appliquer les principes dans la vie scolaire et à la cantine. » Reste que pour nombre de directeurs du secondaire, le problème se niche surtout dans le creusement du fossé entre les établissements. La réforme de la carte scolaire, lancée en 2007, est au point mort et les lycées et collèges voient reculer la mixité sociale, selon Philippe Tournier. Pour ce dernier, « il ne suffit plus d'écrire "liberté, égalité, fraternité" au fronton des écoles, il faut réduire les inégalités ».
26/8/2013, DENIS PEIRON et RéMI NOYON
Source : La Croix