dimanche 24 novembre 2024 20:22

USA : acquitté du meurtre d'un jeune noire de 17 ans

La mort de Trayvon Martin, 17 ans, tué par balles par un vigile bénévole en 2012, avait provoqué une vaste polémique et de nombreuses manifestations aux États-Unis.

Son meurtrier a agi en situation de « légitime défense », a estimé le jury.

Des rassemblements de protestation ont eu lieu, et les partisans du jeune Noir, ainsi que des associations de défense des droits civiques, veulent continuer les poursuites.

Avec cet article
En Floride, interrogations autour de la loi de légitime défense

« M. Zimmerman, j'ai signé le jugement qui confirme le verdict du jury. Votre caution vous sera rendue. Votre bracelet électronique va vous être retiré à la sortie de cette pièce. Et vous n'avez plus rien à voir avec cette cour », a déclaré la juge Deborah Nelson dans une courte déclaration après la lecture du verdict samedi 13 juillet au soir. À l'issue de seize heures et vingt minutes de délibérations, le jury populaire de Sanford (Floride), composé de six femmes – cinq blanches, une d'origine hispanique –, a choisi l'acquittement pour George Zimmerman, le garde bénévole qui avait tué un jeune Noir en Floride.

L'accusé était passible d'une condamnation à la prison à vie s'il était jugé coupable de meurtre, ou d'une condamnation à une peine maximale de trente ans de prison pour homicide. Fils d'un Américain et d'une Péruvienne, George Zimmerman, 29 ans, avait tiré sur Trayvon Martin, un jeune Noir de 17 ans, une nuit de février 2012, lors d'une ronde de surveillance dans une propriété grillagée, après une altercation.

Ses avocats ont fait valoir qu'il avait agi en état de légitime défense, assurant que le jeune Noir, qui n'était pas armé, l'avait jeté au sol et avait commencé à lui frapper la tête par terre. Le procureur Bernie De la Rionda avait, au contraire, mis en avant la préméditation. Dans ses recommandations, la juge Deborah Nelson avait rappelé qu'il revenait à l'accusation d'apporter les preuves de la culpabilité de l'inculpé. « George Zimmerman n'a pas besoin de réfuter quoi que ce soit. Ni de prouver son innocence », avait-elle expliqué. « C'est au ministère public de prouver sa culpabilité par des preuves. »
« une gifle au peuple américain »

Plus tôt, le jury avait brièvement interrompu ses délibérations pour faire part à la Cour de ses « doutes » quant à l'accusation d'homicide. La juge et les avocats avaient estimé que la question du jury était trop vague et les délibérations avaient repris. Depuis leur sélection il y a près de trois semaines, les six femmes du jury ont été tenues recluses dans un lieu secret, surveillées par la police et privées de presse, de connexions à Internet ou de télévision, seulement autorisées samedi à parler entre elles de l'affaire pendant leur déjeuner.

Dans la salle d'audience du tribunal du comté de Seminole, l'accusé a souri brièvement à la lecture du verdict, sans laisser paraître beaucoup d'émotion, tandis que ses parents s'embrassaient et que son épouse fondait en larmes. Absente, la famille de Trayvon Martin a réagi sur les réseaux sociaux. « Même si j'ai le cœur brisé, ma foi reste inébranlable et j'aimerai toujours mon bébé Tray », a écrit le père de Trayvon, Tracy Martin sur Twitter.

Le père et la mère du jeune homme, Sybrina Fulton Martin, ont remercié tous ceux qui leur ont manifesté leur soutien au cours de la dernière année. L'activiste Al Sharpton a affiché une déclaration sur Facebook décrivant l'acquittement de Zimmerman comme « une gifle au peuple américain » et a indiqué avoir organisé une conférence téléphonique d'urgence avec des pasteurs pour « discuter des prochaines étapes ».
Marches de protestation spontanées

La NAACP, la plus grande organisation américaine des droits civiques, a exhorté ses partisans à signer une lettre demandant au procureur général Eric Holder de déposer des plaintes pour violation des droits de l'homme contre Zimmerman. Des marches de protestation spontanées ont eu lieu dans la nuit dans plusieurs villes, dont San Francisco, Philadelphie, Chicago, Washington et Atlanta, mais les leaders communautaires américains ont appelé au calme.

« Si Zimmerman est condamné, il ne doit pas y avoir de manifestations de joie inappropriées, parce qu'un jeune homme a perdu la vie », déclarait, avant le verdict, le militant pour les droits civiques Jesse Jackson. « S'il n'est pas condamné, nous devrons éviter la violence parce qu'elle ne fait que conduire à davantage de tragédies. »

L'affaire a suscité une vaste polémique aux États-Unis, relançant le débat sur des thèmes très controversés : racisme et « délit de faciès », législation sur le port d'armes et les armes à feu, égalité devant la justice. La police de Floride n'avait arrêté George Zimmerman qu'au bout de six semaines, après une série de manifestations en Floride et dans l'ensemble du pays réclamant « justice pour Trayvon Martin ».

La législation de l'État de Floride autorise le recours à la « force létale » en cas de légitime défense, même si la fuite est une option. Un débat passionné a opposé ceux qui croient que Zimmerman a tué le jeune Noir par racisme et ceux qui sont convaincus qu'il a agi en légitime défense. Un mois après les faits, Barack Obama, premier président noir des États-Unis, avait lui même exprimé sa sympathie pour la famille de la victime en déclarant : « Si j'avais un fils, il ressemblerait à Trayvon. »

La légitime défense en Floride

La loi de Floride « Stand Your Ground » (« Défendez votre territoire ») interprète de façon extensive la notion de légitime défense. Ce texte autorise à faire feu pour défendre le droit de rester en tout lieu où l'on se trouve légalement, et exige de l'accusation qu'elle apporte la preuve contraire. Le procureur doit donc prouver que le meurtrier ne se trouvait pas en état de légitime défense.

Selon les avocats de George Zimmerman, la trajectoire de la balle et les blessures qu'il portait à la tête étaient cohérents avec son récit : dans la bagarre qui avait éclaté entre le garde bénévole et l'adolescent noir, George Zimmerman se serait trouvé plaqué au sol par Trayvon Martin qui lui aurait frappé la tête contre le sol. Craignant pour sa vie, il aurait alors tiré à bout portant pour « défendre son territoire » .

14/7/13, François d'Alançon

Source : La Croix

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