Mohammed Brihmi est un homme discret, réservé et humble. Il n'a pas besoin de se raconter, parce que son parcours parle pour lui.
Le Canada, l'Ontario plus particulièrement, l'Etat où ce quinquagénaire a élu domicile depuis plus de trois décennies, l'a adopté au point d l'élire juge de paix. Mohammed Brihmi est comme le disait très justement Albert Camus : « plus un homme par ce qu'il tait que par ce qu'il dit ». Dans son cas ceci est d'autant plus vrai qu'il est juge de paix et que le devoir de réserve est une règle d'or qu'il ne peut franchir. L'éthique est d'ailleurs intrinsèque à la personnalité de cet homme. C'est une philosophie et cela se voit.
Calme, pondéré, il sait ce que parler veut dire : en dire assez sans jamais en dire trop. Car, bien que discret, Mohammed Brihmi sait qu'il n'est pas un inconnu ni dans son pays d'adoption ni au Maroc, son pays d'origine.
L'homme que nous rencontrons, à Rabat, n'a aucun mal à rappeler ses origines modestes à Salé. Ou plutôt à « Hssein », devenue la nouvelle Salé (Salaa eljadida). Il aime à rappeler qu'il est un fils de la terre, parce qu'à l'époque il vivait dans un go between citadin et paysan : « J'ai grandi à Salé, mais je suis fier de ce que je suis, je n'ai jamais voulu m'approprier une identité qui n'était pas la mienne » nous déclare M.Brihmi qui ajoute que cette attache à la terre a été sa « sa force et un élément fondateur ».
Aîné d'une famille de sept enfants, Mohammed Brihmi est un bon élève. Il est même l'un des premiers de la classe jusqu'au baccalauréat. Cette année là sera l'une des plus pénibles de sa vie. On est en 1976, il est jeune, politiquement engagé comme de nombreux jeunes de son époque et de sa génération. Arrêté en avril '76, quelques jours seulement avant les examens du bac, il passe plusieurs mois en prison. Bien que libéré pour non lieu avec « le groupe des 106 », M.Brihmi est obligé de refaire son année du bac.
Mais ce n'est pas ce qui le trouble le plus à cette époque, car nous dit-il : « ce qui fut pénible c'est ce terrible sentiment de voir ma famille mise en quarantaine ». Plus douloureux encore la perte accidentelle de son père.
Contre vents et marées, il réussit tout de même à obtenir son baccalauréat, puis de poursuivre ses études en sociologie à la faculté de Rabat. Ce qu'il retient de ces années éprouvantes c'est dit-il « l'impact de la mort du père et l'appréciation de l'importance de la solidarité ». Car sans cela, il n'y aurait sans doute jamais eu de juge de paix d'origine marocaine né à Hssein élu en Ontario.
L'auteur journaliste Jean-Louis Roy lui consacre un chapitre passionnant dans son très récent ouvrage «Chers voisins, ce qu'on ne connaît pas de l'Ontario» où il raconte le parcours de cet homme qui a quitté le Maroc pour la France (Amiens) puis atterri au Québec au début des années 80' « trilingue, fonctionnaire onusien, élu municipal ontarien, porte parole des franco-ontariens, activiste politique ayant ses entrées à Ottawa, Québec et Queens Park, son intégration est pleinement accomplie, et sa citoyenneté achevée. De l'histoire canadienne ancienne et actuelle, il a une connaissance approfondie, sans doute plus riche que celle de bien de canadiens de souche ».
Bio express
Arrivé au Canada en 1982, Mohammed Brihmi a exercé 25 ans durant dans la fonction publique aussi bien auprès des communautés francophones établies à l'étranger que dans la province anglophone canadienne de l'Ontario.
Il a notamment aussi enseigné dans les secteurs des sciences sociales, du développement des ressources humaines et travaillé sur les questions touchant les immigrants et les réfugiés.
M. Brihmi a en outre siégé au conseil d'administration de la « Toronto Foundation for Student Success » et porté l'habit d'arbitre pour l'Investigation, Complaints and Reports Committee du Royal College of Dental Surgeons of Ontario.
En juillet 2011 il est nommé juge de paix de l'Ontario. Le juge de paix est un fonctionnaire judiciaire nommé. Il a deux principaux domaines de compétence : le droit criminel et le droit réglementaire.
La Rédaction