vendredi 27 décembre 2024 03:22

Jungle de Calais : 10 questions pour comprendre le démantèlement

L’arrêté préfectoral vient de paraître ce vendredi 21 octobre fixant à lundi 24 octobre au matin le début de l’évacuation du camp de réfugiés. Cette gigantesque opération a été réglée dans les moindres détails.

Quels sont le calendrier et l’envergure du dispositif ?

Le démantèlement commencera dès lundi matin 8 heures. Jusqu’à 20 heures, 60 bus sont prévus au départ (soit 2 500 personnes). L’opération s’étalera toute la semaine avec 45 bus affrétés le mardi, 40 le mercredi… Les 6 486 migrants décomptés dans le bidonville seront répartis dans 287 centres d’accueil et d’orientation (CAO) partout en France sauf en région parisienne et en Corse. Dimanche, à la veille du départ, les autorités vont intensifier les maraudes d’information auprès des exilés. Des tracts leur seront distribués dans de multiples langues pour leur expliquer la marche à suivre.

Comment vont être organisés les départs ?

Sur les tracts figurera un plan indiquant la localisation d’un « sas » qui servira de terminal de départ. Il s’agit d’un hangar de 3 000 m2, situé rue des Garennes à Calais. Quatre files d’attente seront créées, distinguées à l’aide de pictogrammes représentant divers publics : majeurs, mineurs isolés, familles et personnes vulnérables nécessitant des soins (suivies par MSF).

Deux régions de destination seront proposées aux migrants. Selon leur choix, les exilés se verront attribuer un bracelet avec un code couleur. À ce code correspondront 6 tentes de la sécurité civile, chacune d’une capacité de 50 places. C’est là que les migrants attendront les bus. « Les convois seront géolocalisés pour estimer l’horaire d’arrivée », précise la préfère du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio. Les premiers départs concerneront les plus petites distances. Les autres partiront le soir pour un voyage de nuit, avec repas et pauses.

Comment les autorités vont-elles s’y prendre pour détruire le camp ?

La destruction des abris de fortune par des mini-pelleteuses commencera dès le mardi. Les premières cabanes à être détruites seront celles autour du centre des conteneurs où seront hébergés les mineurs isolés, de manière à établir autour d’eux un périmètre de sécurité. Concrètement, l’opération suivra la méthode du « carroyage » : le camp sera découpé en plusieurs carreaux à évacuer un par un.

Quel sera le dispositif policier ?

Environ 1 250 policiers et gendarmes sont mobilisés. « Nous espérons ne pas avoir à intervenir », souligne-t-on dans l’entourage de Bernard Cazeneuve. Ils seront déployés aux abords de la rocade où les migrants tentent de monter dans les camions mais aussi autour du site Eurotunnel, et un peu partout dans la ville, pour éviter la formation de squats. D’autres seront là pour éviter la cohue à proximité du « sas » de départ.

Les forces de l’ordre s’attendent aussi à des confrontations avec des militants radicaux. « On estime qu’entre 150 et 200 No Borders sont arrivés depuis le week-end dernier. Ce sont les Français, des Britanniques, mais aussi des individus venant d’autres pays européens », indique Fabienne Buccio.

Que deviendront ceux qui ne veulent pas partir ?

Le gouvernement envisage le placement en Centre de rétention administrative en dernier recours. « Dans les cas où des migrants s’opposeraient violemment, à l’appréciation des forces de l’ordre, des vérifications d’identité pourront être effectuées », confirme Raphaël Sodini, ‎en charge de l’asile à la ‎Direction générale des étrangers en France (DGEF).

Cependant, le ministère de l’intérieur dément avoir spécialement libéré des places pour le démantèlement, dans ces lieux d’enfermement conçus les étrangers en situation irrégulière. Aucune contrainte policière, en revanche, n’est prévue dans les CAO.

Que se passera-t-il une fois les migrants arrivés en centre d’accueil et d’orientation ?

Ils seront accompagnés pour effectuer en France une demande d’asile. Les CAO existent maintenant depuis un an. 6 000 migrants de Calais sont déjà passés par ces centres, dont 80 % des exilés en CAO ont bien demandé la protection de la France. Une fois la requête enregistrée, ils seront orientés en Centre d’accueil pour demandeur d’asile (Cada).

Que vont devenir les migrants qui n’auront pas obtenu l’asile ?

L’Ofpra estime que 70 % des migrants orientés en CAO obtiennent in fine l’asile, c’est deux fois plus que le taux d’accord moyen au niveau national. Ceux qui seront déboutés n’auront pas vocation à rester en France. Le gouvernement table par ailleurs sur 8 000 éloignements volontaires cette année, avec un effort financier particulier pour les évacués de Calais.

« Nous avons décidé de doubler l’aide de droit commun avec 2 000 euros d’aide au retour », précise Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Plus de 400 dossiers de départ ont ainsi été instruits, concernant d’abord des Afghans, des Pakistanais et des Kurdes d’Irak.

Quel traitement particulier pour les mineurs isolés ?

Un recensement de France terre d’asile a décompté 1 291 mineurs isolés dans le bidonville, dont environ 500 mineurs affirment avoir de la famille en Grande-Bretagne. Ces derniers n’iront pas dans les CAO réservés aux adultes et aux familles. Dans le « sas » de départ de Calais, ils s’entretiendront avec un binôme franco-britannique, en vue d’un éventuel rapprochement familial en Grande-Bretagne. Pour l’heure, 80 mineurs ont pu traverser légalement pour rejoindre leur famille.

Ceux qui n’ont pas de proches Outre-Manche seront répartis en France dans des centres « transitoires » bien distincts des CAO, le temps d’être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

À quoi d’autre se sont engagés les Britanniques ?

Pour l’heure, à pas grand-chose. Pourtant, le règlement de Dublin permet en principe d’opérer des regroupements familiaux y compris entre adultes. Paris pense pouvoir faire bouger les lignes sur ce point. « Nous souhaitons enclencher les démarches depuis les CAO pour ceux qui ont des liens familiaux », annonce-t-on place Beauvau.

Que devient le site après le démantèlement ?

Un fort niveau de présence policière sera maintenu pour éviter la reformation du bidonville. À la demande du gouvernement, le préfet Jean Aribaud et le président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale Jérôme Vignon ont donc renoué le dialogue avec les associations pour se mettre d’accord sur un dispositif d’après démantèlement. Les ONG sont très inquiètes, alors que le ministère n’a pas exclu de démanteler les 2 000 places d’hébergement proposées sur place dans des conteneurs ainsi que l’ancien centre de loisirs Jules Ferry réservé aux femmes et aux enfants.

Un dispositif de mise à l’abri devrait être maintenu pour continuer à gérer la présence de migrants dans la région, sans doute à l’écart de Calais. Reste à savoir sous quelle forme. « Le dispositif ne pourra pas être à l’identique. Il convient de tenir compte des situations d’errance, mais sans encourager le retour des gens et des réseaux de passeurs », insiste-t-on au ministère de l’intérieur. Des propositions concrètes sont attendues d’ici à la fin de la semaine prochaine.

21/10/2016, JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS

Source : La Croix

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