Le chef de l’Etat, Macky Sall, esyt contre l’immigration choisie que prônent les pays occidentaux. Par aileurs, il a invité à un traitement approprié des questions liées à la migration, notant que cette problématique est très ancienne. Ce qui est nouveau, aujourd’hui, c’est l’ampleur du phénomène. Il a présidé hier l’ouverture d’une conférence internationale de trois jours sur le sujet.
Le président de la République, Macky Sall, n’est pas en phase avec les dirigeants de l’Europe sur la question de l’immigration choisie. Selon lui, soit on prend tout le monde : médecins, ingénieurs, maçons etc., soit on rejette tout le monde.
De l’avis du président Sall, la réflexion sur la migration mène très loin. « Pourquoi quand l’Afrique doit s’endetter on met le plafond à ce niveau en disant qu’il y a des risques ?, s’interroge-t-il, avant d’ajouter ceci : « il n’y a pas plus de risque ici qu’ailleurs. Après la guerre, l’Europe a eu la chance d’avoir accès à des ressources à longue durée. J’essaie de lancer un emprunt à long terme, sur 30 ans. Ce qui permet de construire des infrastructures majeures à des taux concessionnels ou à la limite semi-concessionnels. Dans ce cas, le Sénégal serait, en ce moment, en chantiers partout et aucun Sénégalais ne les laisserait pour aller s’aventurer dans le désert où il pourrait perdre la vie », a déclaré Macky Sall.
Par ailleurs, il a estimé que la problématique de la migration doit être traitée de façon appropriée en évaluant la part et la responsabilité de chacun. C’est en tout cas l’avis du président Macky Sall qui a présidé, hier, une conférence internationale sur « Migration, gouvernance et développement en Afrique de l’Ouest : le temps de l’action». Elle est à l’initiation de la Coalition pour le dialogue en Afrique (Coda) et de l’Institut africain de la gouvernance (Iag). Pour le président Sall, la question des migrations qui se pose, aujourd’hui, doit être engagée avec lucidité, responsabilité et solidarité.
Un phénomène naturel
« La migration est un phénomène naturel qui se poursuit mais qu’il faut aussi maîtriser. Nous devons accepter que l’Europe n’ait pas les mêmes capacités d’absorption que l’Afrique. C’est une réalité qu’il faut comprendre sinon les mouvements extrémistes vont prendre naissance en Europe, et cela a commencé, pour la ramener avec l’Afrique vers des situations que nous avons dépassées depuis très longtemps », a prévenu Macky Sall. Selon le chef de l’Etat, ce qui est aujourd’hui nouveau, c’est l’ampleur du phénomène et la complexité des problèmes qui lui sont connexes, notamment les réseaux de migration clandestine, la criminalité transfrontalière, les trafics de tous genres mais aussi les pertes en vie humaine.
« Il nous faut, en même temps, clarifier les données du problème. Le phénomène migratoire n’est pas un mouvement à sens unique. L’Afrique est une terre de départ, mais aussi une terre d’accueil des communautés africaines et non africaines. Cela mérite d’être rappelé parce qu’on l’occulte trop souvent. Contrairement aux idées reçues, la première destination des migrants africains, c’est l’Afrique. Seulement 15% parmi eux rejoignent l’Europe. Ce n’est pas une excuse. Même s’il était possible de retenir ces jeunes qui vont en Europe, nous allions le faire », a précisé le président de la République, incitant ainsi les pays Africains à travailler ensemble pour réduire ce pourcentage en créant de l’emploi en Afrique afin de développer le continent.
Travailler ensemble
Mais pour cela, a-t-il reconnu, l’Europe doit aider l’Afrique à travers des mécanismes mis en œuvre ensemble. « La question de la coopération et du développement reste plus que d’actualité », a laissé entendre le président Sall.
A son avis, l’Afrique doit combattre très farouchement l’émigration clandestine à travers les réseaux criminels qui agissent sur le continent. « Depuis plus d’une quinzaine d’années, avec l’Union européenne à travers le Frontex, nous avons mis en place des mécanismes qui ont permis de ralentir, voire neutraliser le phénomène, mais il est toujours présent. Il faut qu’on travaille ensemble pour des solutions durables aux flux migratoires.
Cela doit aussi passer par l’éducation, la formation qualifiante aux métiers et surtout la revitalisation économique des zones de départ des migrants », a préconisé Macky Sall. Selon lui, cela incombe aux Etats et aux gouvernements qui doivent créer des conditions de développement dans les zones périphériques et celles déshéritées. « S’il n’y a pas équilibre entre les territoires, nous allons non seulement accélérer l’exode rural, mais les gens quitteront aussi le pays », a-t-il soutenu.
Pudc, Dac, Puma... : Des mesures pour maintenir les jeunes au Sénégal
Macky Sall a rappelé, hier, quelques unes des politiques qu’il a lancées pour essayer de rééquilibrer le développement interne avec plus de considération pour les zones rurales et les zones frontaliers afin de maintenir les jeunes aux pays. Il a cité d’abord les programmes de promotion de l’enseignement professionnel technique. Ensuite, « l’initiative terre ferme contrairement au large qui attire et qui tue ». Cette initiative, selon le président Sall, associe des jeunes dans l’exploitation de Domaines agricoles communautaires(Dac) et de fermes « Natangué ». « Ces Dac sont des modèles d’intégration et de création d’emplois et de richesses en milieu rural », a-t-il mentionné. Il y a aussi et surtout, a-t-il souligné, le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) destiné au développement des zones rurales défavorisées.
Ce Pudc, a relevé le chef de l’Etat, sera combiné au Programme d’urgence de modernisation des axes frontaliers (Puma) qui sera concentré sur le pourtour frontalier. « Ces villages sont, en réalité, abandonnés depuis l’indépendance. Il n’y a ni eau ni électricité ni piste encore moins de téléphone. Comment peut on envisager maintenir les populations dans ces conditions au 21e siècle ? C’est absolument impossible », s’est désolé Macky Sall.
Ce programme, a-t-il ajouté, va compléter le Pudc pour donner des perspectives aux populations issues de ces milieux défavorisés qui sont, en général, les principaux candidats à l’émigration. Le chef de l’Etat n’a pas omis le Fonds d’appui à l’investissement des Sénégalais de l’extérieur (Fes), destiné à préparer le retour des Sénégalais de la diaspora.
Le chef de l’Etat dénonce la stigmatisation de l’Afrique
Le président Macky Sall est contre la stigmatisation de l’Afrique. « Essayons de voir comment nous devons travailler pour que l’Afrique ne soit pas stigmatisée », a-t-il invité, sous les applaudissements de la salle. Il a dit que « notre génération d’Africains ne peut pas accepter cette façon de voir les choses parce que l’Afrique a trop souffert de ce genre de clichés à travers les médias et très souvent, on survole les sujets ».
Selon le président de la République, on n’interroge pas trop souvent l’histoire. Et beaucoup parmi les responsables, en Europe, connaissent les relations entre ce continent et l’Afrique et comprennent comment il faut traiter ce genre de sujets. « Mais malheureusement, beaucoup parmi la jeune génération européenne ne savent pas d’où vient l’Europe et quelle est sa responsabilité dans le monde. Si les Sénégalais m’écoutaient, aucun parmi eux ne mettrait les pieds en Europe, mais contribuerait au développement de notre pays. Nous avons besoin de garder la jeunesse africaine en Afrique », a plaidé Macky Sall.
Sur les demandes de réadmission lancées par l’Europe pour rapatrier les Africains, le président de la République a estimé qu’il est difficile de donner une suite favorable à cette requête. « La diaspora Sénégalaise amène en moyenne deux milliards de dollars par an, soit deux fois plus important que l’aide publique au développement. Cette manne doit être protégée. C’est pourquoi il faut comprendre qu’on ne puisse pas adhérer à la réadmission. C’est un manque énorme à gagner quand ces personnes rentrent », a soutenu Macky Sall. De son point de vue, il faut réfléchir, de façon responsable, à freiner tout ce qui est émigration clandestine et continuer à renforcer le Frontex et à démanteler les réseaux criminels.
Marcel De Souza, président de la Commission de la Cedeao : « 15% des migrants africains rejoignent l’Europe »
Selon le président de la Commission de la Cedeao, malgré le tapage médiatique qui se fait autour de la migration des Africains vers l’Europe, les mouvements restent faibles. « Les statistiques ont montré que sur 100 africains, les 70 restent en Afrique. La Côte d’ivoire accueille 2,4 millions de migrants, le Ghana et le Nigeria suivent respectivement. Et dans les 30% qui restent, il n’y a que 15% qui vont en Europe. Ce qui est un mouvement minoritaire », a déclaré Marcel De Souza.
A l’en croire, les statistiques ont aussi montré que ceux qui vont en Europe, c’est surtout les jeunes à la recherche d’emploi. Mais le plus important, a-t-il relevé, c’est que les Africains ont compris qu’il vaut mieux rester dans leur continent que d’aller en Europe où leurs droits ne sont pas toujours respectés. « Le pays de départ et le pays d’arrivée doivent, tous les deux, respecter les droits des migrants où est-ce qu’ils se trouvent », a-t-il estimé. Le président de la Commission de la Cedeao a cité « le Sénégal comme exemple d’hospitalité qui doit inspirer tous les pays ».
26 Oct 2016 , Ndiol Maka SECK
Source : lesoleil.sn