mercredi 3 juillet 2024 08:53

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En Moldavie, l'amertume des travailleurs migrants

"Au moins une personne dans chaque foyer travaille à l'étranger". Cette phrase revient comme un leitmotiv dans les conversations en Moldavie, mais, avec la crise économique en Russie et en Europe, l'émigration n'est plus ce qu'elle était.

"La Russie, c'est fini pour moi, il n'y a plus de boulot là-bas", dit Pacha, un jeune homme de Porumbrei (centre), qui est rentré il y a six mois, après y avoir travaillé dans le bâtiment pendant plusieurs années.

"Vers la fin, ils ne nous payaient même plus", dit-il, amer.

Grigore, 28 ans, originaire de Horesti (centre), raconte une histoire similaire. "Ils nous ont promis 1.000 dollars par mois mais on en recevait à peine deux ou trois cents", confie-t-il, mettant en cause son patron moldave.

Depuis les années 1990, l'émigration a représenté une énorme bouffée d'oxygène pour ce pays, l'un des plus pauvres d'Europe, qui élit son président dimanche.

Environ 41% de la population de cette ancienne république soviétique vit avec 5 dollars par jour, selon la Banque mondiale, tandis que le salaire moyen brut est de 220 euros par mois.

"Quelque 800.000 Moldaves (sur une population totale de 3,5 millions, ndlr) vivent à l'étranger. Entre 300.000 et 500.000 en Russie, et près de 200.000 en Italie", a indiqué à l'AFP la directrice du Bureau chargé des relations avec la diaspora, Olga Coptu.

Ce phénomène, qui a dépeuplé les villages, touche désormais les jeunes diplômés "à la recherche d'un avenir meilleur pour leurs enfants", a-t-elle ajouté.

"Un Moldave sur cent quitte le pays chaque année. Il s'agit du taux d'émigration le plus élevé de la région", souligne pour sa part la ministre du Travail, Stela Grigoras, dans une interview à l'AFP.

Selon elle, "le temps où l'on ressentait les effets positifs de l'émigration commence à toucher à sa fin".
Si en 2008 les transferts d'argent des Moldaves travaillant à l'étranger s'élevaient à 1,66 milliard de dollars (1,5 milliard d'euros), soit 27% du produit intérieur brut du pays, en 2015 ils ont baissé de 30%.
La chute a été encore plus drastique pour les transferts en provenance de Russie, moins 45%, avec un montant moyen passé de 400 dollars en 2014 à 280 dollars l'année dernière, selon des chiffres officiels.
Les analystes mettent en cause la forte dévaluation du rouble et la contraction de l'économie russe, provoquée par l'effondrement des cours du pétrole et les sanctions économiques imposées par les Occidentaux à cause de la crise ukrainienne.

Mais la crise n'a pas frappé que la Russie.

Veronica, 32 ans, raconte avoir rêvé de rejoindre son frère et ses trois soeurs établis en Italie, avant de renoncer en raison de la détérioration des conditions économiques.

"Paradoxalement, ma soeur qui est femme de ménage gagne plus que son mari, italien, employé dans une agence immobilière", explique-t-elle.

Du coup, les colis qu'ils envoyaient aux parents restés en Moldavie se sont faits rares. "Tous les salaires ont été réduits la-bas", dit Veronica.

En outre, selon Mme Grigoras, "de plus en plus d'enfants de migrants ont rejoint leurs parents et ces derniers n'envoient plus d'argent en Moldavie".

Pour encourager les migrants à revenir et à investir dans leur pays, les autorités ont lancé plusieurs programmes, promettant entre autres de verser un leu moldave (soit 0,046 euro) pour chaque leu investi par un migrant, indique Mme Coptu.

Ioana Jumir, 23 ans, originaire de Rusestii Noi (centre), raconte à l'AFP avoir mis sur pied une petite affaire espérant que cela lui permettrait de revenir dans son pays d'origine après avoir travaillé en Russie, en Pologne et en Grèce.

"Mais quand j'ai fait mes comptes, j'ai vu que cela ne valait pas la peine", regrette-t-elle.

Emigrante de la deuxième génération --ses parents sont partis en Russie et l'ont laissée à la charge de sa grand-mère quand elle avait huit ans--, Ioana espère qu'un jour les Moldaves ne seront plus contraints de "travailler comme des esclaves" dans d'autres pays.

Mais pour l'heure, "la Moldavie est comme une feuille qui flotte sur l'eau", sans direction, au gré des décisions d'hommes politiques "dont le seul but est de s'enrichir le plus possible", regrette Ioana.

28 oct 2016

Source : AFP

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