La justice française a confirmé l'annulation du renvoi en Hongrie d'un ressortissant afghan en raison des "défaillances systémiques" de ce pays en matière d'accueil des demandeurs d'asile, une décision qui pourrait faire jurisprudence.
Said Mohammad Khan, qui avait vu en août 2015 sa demande d'asile en France rejetée, avait été placé en centre de rétention administrative par le préfet d'Ille-et-Vilaine quatre mois plus tard. Il avait obtenu gain de cause une première fois devant le tribunal administratif de Rennes, qui avait alors annulé la décision préfectorale.
Dans son arrêt, en date du 19 octobre, la cour administrative d'appel de Nantes rappelle que Budapest faisait l'objet à l'époque d'une procédure d'infraction de la part de la Commission européenne pour "incompatibilité" de son système de demande d'asile avec le droit de l'Union européenne.
Cette procédure avait été suivie, quelques jours plus tard, par l'adoption d'une résolution du Parlement européen sur la "situation critique" des demandeurs d'asile dans ce pays.
"La Hongrie n'applique pas d'effet suspensif à l'introduction des recours, contraignant les demandeurs d'asile à quitter le territoire (...) avant l'expiration du délai de recours", dit la cour administrative d'appel de Nantes. "Leur droit à l'interprétation et à la traduction est méconnu".
Le Conseil de l'Europe avait déjà relevé, en janvier 2016, que le gouvernement de Viktor Orban plaçait les demandeurs d'asile dans des centres de rétention administrative, "où s'applique un régime de détention restrictif, sans réel accès à des recours effectifs".
Le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations unies avait également "déploré" le durcissement de la loi hongroise entre juillet 2015 et mars 2016 concernant les migrants franchissant sans autorisation la frontière.
Contactée par Reuters, la préfecture d'Ille-et-Vilaine a fait savoir jeudi qu'il n'était "pas envisagé de faire un pourvoi" devant le Conseil d'Etat contre cet arrêt.
Il pourrait toutefois être interprété à l'avenir "de façon restrictive" par les autres juridictions françaises, redoute Me Gaëlle Le Strat, l'avocate de Said Mohammad Khan.
Celles-ci pourraient estimer que sa portée se limite aux seuls migrants qui ont transité en Hongrie au même moment que son client, c'est-à-dire en 2015.
27 oct 2016 (Guillaume Frouin, édité par Yves Clarisse)
Source : Reuters