vendredi 6 décembre 2024 16:57

En Méditerranée, des Vikings modernes au secours des migrants

Dans la nuit noire, les lampes-torches des canots de migrants lancent des SOS frénétiques. Pour le Siem Pilot, venu de Norvège patrouiller en Méditerranée, l'heure est venue de passer à l'action.

Ses Vikings modernes, barbus aux yeux verts, enfilent combinaisons de protection et gilets de sauvetage et se lancent dans une mission titanesque: transférer des centaines de migrants récupérés par un pétrolier, tirer des centaines d'autres de leurs canots ou même de l'eau... et aider une femme à accoucher.

Certains sont policiers, chargés de recueillir autant d'information que possible sur les réseaux de trafiquants et de tenir à distance le bateau de passeurs venu tenter de récupérer les précieux moteurs des canots après les secours.

"Notre mission est du contrôle de frontières, mais sauver des vies passe avant tout", explique Pal Erik Teigen, officier de police chargé des opérations et de la quarantaine de policiers, gardes-côtes et civils à bord.

Construit en 2011 pour ravitailler les plates-formes pétrolières en mer du Nord, le Siem Pilot est à la disposition de Frontex, l'agence européenne de contrôle des frontières, à la recherche de trafiquants d'êtres humains, de drogues et d'armes.

Mais ce gros navire, plus de 80 mètres de long, n'est pas taillé pour les courses-poursuites et son équipage n'est pas habilité à arraisonner les embarcations suspects. Ce qu'il peut faire en revanche, c'est mettre beaucoup de migrants en sûreté: son immense pont en a accueilli déjà plus de 28.500 en 18 mois.

Si la plupart des opérations de secours se déroulent près des eaux libyennes, Frontex maintient ses navires plus au nord, estimant que patrouiller au plus près des côtes comme le font les navires humanitaires a un effet incitatif et n'intervenant en général qu'en renfort.

Le Siem Pilot est présent dans la zone depuis avril 2015, même si ses membres d'équipage ne sont là que pour des missions d'un mois, éventuellement renouvelées après un mois au pays.

Et si le soleil méditerranéen et l'animation des ports siciliens peuvent sembler loin des fjords et des sommets enneigés, la Norvège se rappelle parfois aux secouristes de la manière la plus inattendue.

"Nous avons eu des migrants à bord qui parlaient quelques mots de norvégien parce qu'ils avaient des proches qu'ils espéraient rejoindre là-bas," raconte Borre, 41 ans, officier de renseignement à bord.
Quelqu'un ayant un jour laissé une guitare, ceux qui ne jouent pas au poker ou aux jeux vidéo dans la salle commune lorsque le navire est en patrouille classique, se retrouvent sur le pont pour entonner des chants norvégiens à la belle étoile.

La journée commence avec un petit déjeuner de porridge, oeufs et saumon fumé, et il y a des tacos au dîner le vendredi, comme souvent en Norvège.

Mais quand l'alarme résonne, 19 hommes et deux femmes de l'équipe de secours s'activent pour préparer des couvertures, de l'eau et des barres énergétiques pour plus d'un millier de migrants affamés, épuisés et paniqués.

La tension monte pendant une opération de nuit pour aller chercher 900 personnes sur un pétrolier au pont maculé de brut, où il faut envoyer des renforts pour rétablir l'ordre. D'autant que d'autres canots apparaissent dans la nuit.

Au son des sifflets angoissés de ceux obligés de patienter sur leur embarcation de fortune, l'équipage oeuvre sans relâche pendant 40 heures d'affilées pour fournir des gilets de sauvetage à tout le monde et transférer les nouveaux arrivants sur le pont du Siem Pilot puis, faute de mieux une fois ce dernier bondé, sur celui du pétrolier.

A la fin de l'opération, beaucoup partent dormir, mais pour le docteur Hans Christian Vik, 31 ans, le repos sera de courte durée: une femme enceinte de six mois accouche prématurément. Elle et son fils de 1,250 kg sont évacués à l'aube par les gardes-côtes italiens.

"C'est le deuxième bébé que je fais naître, et le premier c'était dans un hôpital avec toutes les ressources nécessaires en cas d'urgence. C'est très différent", raconte-t-il à l'AFP.

Il reste encore une tâche, et pas la plus facile: le Siem Pilot disposant d'un conteneur réfrigéré, c'est à lui qu'il revient de faire le tour des navires humanitaires aux alentours et des canots pour prendre en charge ceux qui n'ont pas survécu.

27 oct 2016

Source : AFP

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