Le procès du controversé député néerlandais Geert Wilders pour discrimination et incitation à la haine doit s'ouvrir lundi matin en son absence, alors qu'il brandit pour étendard la liberté d'expression à l'approche des élections législatives.
L'affaire porte sur des propos tenus lors d'une soirée après les élections municipales de mars 2014 à La Haye. L'homme à la chevelure peroxydée avait alors demandé à ses militants s'ils voulaient "plus ou moins de Marocains dans (leur) ville et aux Pays-Bas".
Face à une foule scandant "Moins! Moins! Moins!", il a répondu dans un sourire: "nous allons nous en charger."
Devant ce qu'il qualifie de "parodie de justice" destinée à le réduire au silence, le politicien controversé refuse de comparaître à "un procès politique", alors que les prochaines élections sont prévues en mars.
D'après les sondages, son Parti pour la Liberté (PVV) est au coude-à-coude avec les libéraux (VVD) du Premier ministre Mark Rutte.
"C'est mon droit et mon devoir en tant qu'homme politique de parler des problèmes de notre pays", a affirmé le député d'extrême droite qui divise dans un pays se targuant pourtant de tolérance multiculturelle.
Ses propos de 2014 avaient provoqué le dépôt de plus de 6.400 plaintes par des citoyens et organisations.
Issue notamment de l'immigration de travailleurs à la fin des années 1960, la population de personnes d'origine marocaine est estimée à plus de 380.000 dans ce pays d'environ 17 millions d'habitants, selon l'Office central des statistiques (CBS).
Il s'agit d'un second procès pour Geert Wilders. Acquitté de poursuites similaires en 2011, il avait alors comparu à l'ensemble des audiences.
L'homme de 53 ans avait affirmé lors d'audiences préliminaires n'avoir "aucun regret" après avoir dit ce que "des millions de citoyens néerlandais pensent".
"Si parler de ceci est punissable, les Pays-Bas ne sont plus une démocratie libre mais une dictature", a encore déclaré vendredi Geert Wilders, qui sera représenté par son avocat Geert-Jan Knoops.
Pour appuyer ses arguments, deux professeurs doivent témoigner, dont le philosophe Paul Cliteur, qui compare les procédures aux poursuites contre l'actrice Brigitte Bardot et l'écrivain Michel Houellebecq pour des propos hostiles envers l'islam et la communauté musulmane.
"Les Etats-nations européens poursuivent des personnes qui critiquent la religion et ont peur des étrangers", a-t-il affirmé, cité jeudi par le quotidien NRC. "Il serait bon de réfléchir si ces poursuites doivent bien avoir lieu."
Second témoin à décharge, le spécialiste en droits de l'homme de l'université d'Utrecht Tom Zwart estime de son côté qu'un tel débat ne doit pas être tranché par les juges.
"Nous avons choisi la démocratie", a-t-il déclaré au même quotidien. "Et cela signifie que l'on se bat avec des mots et des arguments, et non avec des citations à comparaître et des notes de plaidoirie."
Toutefois, pour les juges, les hommes politiques "ont un rôle important à jouer pour éviter de nourrir l'intolérance en faisant ce genre de déclarations publiques".
S'il est jugé coupable, l'homme politique le mieux protégé des Pays-Bas pourrait écoper d'une peine maximale de deux ans d'emprisonnement ou d'une amende de plus de 20.000 euros.
Toutefois, une amende plus légère ou une peine de travail d'intérêt général seraient plus probables en cas d'éventuelle première condamnation, a remarqué Rolf Hoving, expert en droit pénal à l'Université de Groningue.
"S'il est acquitté, comme la première fois, cela renforcera certainement sa popularité, mais s'il est jugé coupable, cela découragera les gens de voter pour lui", analyse Meindert Fennema, auteur de la biographie de Geert Wilders.
Mais d'après Philip van Praag, professeur de sciences politiques à la retraite, "il restera toujours dans l'opposition": "il est l'éternel dirigeant de l'opposition, toujours contre le système."
31 oct 2016
Source : AFP