Un mouvement de contestation a gagné depuis plusieurs mois les centres de rétention administrative pour migrants en Espagne, où les mairies de Barcelone et Madrid sont le fer de lance de la campagne pour leur fermeture.
Tentatives de fuite, rébellions, grève de la faim: depuis plusieurs mois, les incidents se multiplient.
Le dernier en date a touché le centre d'internement pour étrangers (CIE) de Barcelone, mardi soir.
Une quarantaine d'Algériens a tenté de s'enfuir à l'heure du dîner, provoquant une mutinerie impliquant 70 personnes stoppée par les forces de l'ordre, sans violences selon un porte-parole de la police.
En octobre, le CIE de Murcie (sud-est) a connu deux évasions qui ont vu fuir 73 migrants au total.
L'un des épisodes les plus spectaculaires a eu lieu le 18 octobre, quand 40 migrants ont endommagé du mobilier du CIE de Madrid, avant de s'installer une nuit entière sur le toit du bâtiment en criant "Liberté!".
Au lendemain de cette mutinerie, certains auraient subi de mauvais traitements, selon SOS Racisme.
Et les mairies des deux plus grandes villes espagnoles, Madrid et Barcelone, dirigées par des coalitions de gauche depuis 2015, se sont jointes aux demandes de fermeture pure et simple des sept centres de rétention espagnols.
"Cela n'a pas de sens de priver de liberté des gens qui n'ont pas commis de délit", a résumé mercredi la maire de Madrid, l'ancienne juge Manuela Carmena, après avoir visité le centre.
Après les coupes budgétaires sans précédent dans les services publics menées par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, la liste des doléances s'est encore allongée.
Le principal syndicat de police espagnol, le SUP, estime ainsi que beaucoup d'installations sont vétustes et le personnel insuffisant.
"Certains centres sont très vieux, sans confort et pas habilités pour recevoir les migrants", explique Ramon Cosio, porte-parole du SUP, à l'AFP en évoquant des établissements, dans le sud, "qui s'inondent quand il pleut, à tel point que les migrants doivent retrousser leur pantalon jusqu'aux genoux".
Dans d'autres, le manque de personnel est criant, avec parfois "cinq personnes pour 150 internes, des gens parfois problématiques, avec un casier judiciaire", dit-il en défendant la bonne volonté des policiers, qui vont parfois eux-mêmes chercher des vêtements pour des migrants arrivés en bateau, sans rien.
Le gouvernement, déjà critiqué pour le refoulement d'étrangers tentant de franchir la frontière dans les enclaves au Maroc de Ceuta et Melilla, ou pour sa politique d'admission au compte-gouttes de refugiés, est régulièrement accusé de maintenir les migrants séjournant dans ces centres dans une situation très ambiguë.
Selon SOS Racisme, les étrangers qui y sont placés ne peuvent circuler librement qu'à certains horaires. Le soir, ils sont enfermés dans leurs chambres.
Ils peuvent recevoir des proches mais dans des parloirs, comme en prison, même si la justice a ordonné que les séparations en verre soient retirées, ce qui incommode les policiers.
Les opposants aux CIE dénoncent aussi des rétentions arbitraires, de mauvais traitements et une politique migratoire volontairement "raciste" visant à dissuader l'immigration.
"Les CIE sont des centres de souffrance et d'impunité policière", a dénoncé Ramiro Garcia de Dios, un juge chargé du contrôle du CIE de Madrid, dans une interview au site eldiario.es.
"Il y a un respect absolu des droits de l'homme dans les centres", rétorque le député conservateur Rafael Merino, président de la commission parlementaire sur l'intérieur.
Le directeur de la police, Ignacio Cosido, a lui souligné que la situation s'améliorait, précisant que le nombre de migrants passés par un CIE était passé de 11.325 en 2012 à 6.930 en 2015, grâce à des critères de rétention plus restrictifs.
Selon un rapport de la défenseure des droits, seuls 41% des migrants retenus dans un CIE en 2015 ont finalement été reconduits à la frontière.
Beaucoup restent dans une zone grise, ni expulsés, ni régularisés, ce qui les fragilise: "Ils deviennent de la chair à canon pour le marché de l'emploi et sont dans des situations de quasi-esclavage", affirme à l'AFP Ione Belarra, députée (Unidos Podemos, gauche radicale) et porte-parole de SOS Racisme.
3 nov 2016
Source : AFP