Alors que les dirigeants mondiaux se donnent rendez-vous à Marrakech pour leur grand-messe (COP22), les attentes sont d’autant plus fortes que les Nations unies insistent sur le besoin de placer les droits de l’Homme au cœur de la feuille de route climatique.
Et pour cause, un an après l’ambitieux accord de Paris, les voix se font pressantes à l’ONU et parmi les écologistes en faveur d’un processus plus inclusif de négociations entre les parties prenantes de la conférence mondiale sur les changements climatiques. "Il est temps d’agir et de prendre des mesures immédiates d’atténuation et d’adaptation, tout en s’assurant que les actions pour le climat bénéficient aux groupes les plus vulnérables", soutient Benjamin Schachter, responsable du dossier du changement climatique au Haut-commissariat aux droits de l'homme (HCDH).
Dans un entretien à la MAP, il montre à quel point le monde a besoin de s’entendre sur des mécanismes bien définis pour le suivi des incidences du climat et en matière de reddition des comptes. Jusqu’ici peu présent dans les débats internationaux, le coût humain des changements climatiques est d'ores et déjà inscrit dans l’agenda planétaire depuis l’accord de Paris conclu en décembre 2015. Moins d'un an après son adoption dans la capitale française par 195 pays, le premier instrument international pour éviter un emballement des dérèglements climatiques est entré en vigueur vendredi, juste à la veille de la COP22 où il sera question de son application.
A Marrakech, les Etats parties, la société civile et les autres parties prenantes se pencheront en priorité sur les mesures d'adaptation, de transparence, de transfert de technologie et de renforcement des capacités en la matière. Tels sont en substance, de l’avis du Haut-commissariat, les défis à affronter lors de cette conférence mondiale, sans oublier d'avoir à l'esprit le respect des droits humains sur toute la ligne. Sous cet angle, M. Schachter met l'accent sur l'engagement dans cette voie des agences des Nations unies, dont le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), le Programme pour l'environnement (PNUE), l'Unicef et le HCDH.
Le Haut-commissariat aux droits de l'Homme, a-t-il dit, a mené une étude consacrée aux conséquences du réchauffement sur la pleine jouissance du droit à la santé et formulé des recommandations concrètes à la Convention-cadre des Nations-unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il a affirmé que le HCDH apporte à cet effet son appui aux négociations en prêtant main forte aux efforts des Etats parties, dans le cadre notamment de l'Engagement de Genève sur le changement climatique et droits humains et du Forum sur la vulnérabilité climatique. Prié de dire quels sont les groupes les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement, M. Schachter a regretté que "souvent ce sont ceux qui ont le moins contribué à ce phénomène qui devraient subir ses pires conséquences".
Citant le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il a relevé que les personnes appelées à payer cher le prix du dérèglement du climat sont surtout celles marginalisées socialement, économiquement, culturellement, politiquement ou du point de vue institutionnel. "Cela inclut les femmes, les enfants, les personnes âgées, les peuples autochtones, les minorités, les migrants, les travailleurs ruraux, les personnes à besoins spécifiques, les pauvres et ceux qui vivent dans des zones vulnérables", a-t-il précisé, notant qu’il s’agit des petites îles, des zones riveraines et côtières de faible altitude, des régions arides et polaires. Sur ce registre, il attire surtout l’attention sur la situation d'un demi-milliard d'enfants vivant dans des zones à risque extrêmement élevé d'inondations et près de 160 millions d’autres exposés à des vagues de sécheresse extrême.
La justice climatique, a-t-il fait observer, exige que l’action d’atténuation et d’adaptation soient bénéfiques pour les populations des pays en développement, les peuples autochtones, les personnes en situation de vulnérabilité et les futures générations. "Nous devons non seulement reconnaître et traiter les effets négatifs du changement climatique sur les groupes vulnérables, mais également appuyer leur capacité de leadership en matière d'atténuation et d'adaptation", a conclu le responsable onusien. La 22e Conférence des parties à la Convention-cadre sur les changements climatiques, qui se tient du 7 au 18 novembre, aura à agir pour une application de l’accord de Paris avant 2020 afin de réduire l’impact du réchauffement planétaire.
Certes, l’accord a été signé et ratifié en un temps record (un an), beaucoup moins que le Protocole de Kyoto (8 ans), mais les 197 parties à présent doivent faire preuve de maturité et de sagesse pour l’opérationnaliser, sinon il serait insignifiant. Cet instrument contraignant a été ratifié par 94 pays représentant 66 pc des émissions de gaz à effet de serre, soit au-delà de l’objectif initialement fixé d’au moins 55 pays responsables de 55 pc des émissions polluantes.
07/11/2016, Abdellah Chahboun
Source : MAP