L’aide humanitaire destinée aux migrants fait polémique à Nador. Elle est de plus en plus insuffisante et sa répartition accuse du retard. Selon certaines sources de l’AMDH – section Nador, les migrants subsahariens ne reçoivent plus d'aides comme auparavant.
« Nous avons reçu plusieurs plaintes de la part de beaucoup de migrants irréguliers installés dans les forêts de Khamis Akdim et Bolingo qui protestent contre les retards enregistrés dans la distribution de l’aide qui peuvent aller jusqu’à trois mois et contre la médiocrité des quantités réparties », nous a indiqué une source de l’AMDH sollicitant l’anonymat. Et d’ajouter : « En réaction à ces plaintes, les responsables du projet se sont contentés d’improviser une campagne d’aide où ils ont distribué quelques couvertures alors que il y a des femmes et des enfants qui survivent dans ces forêt sans nourriture et sans abri. Le hic, c’est que ces projets bénéficient de fonds importants. Il s’agit de programmes financés par la coopération suisse et l'OIM (pilotés par la délégation de la migration et Asticude) et censés procurer des aides médicales, alimentaires et logistiques aux migrants. On se demande à quoi servent ces projets si les migrants n'en sont pas les premiers bénéficiaires. Ne pouvant pas rester muets devant cette réalité amère, on a le devoir de la dénoncer».
Pour Hassan Ammari, chercheur dans les domaines de la migration et de l’asile, cette situation n’a rien de nouveau puisqu’elle se reproduit chaque année. « Ce n’est pas la première fois que l’AMDH dénonce cette situation et ce ne sera pas la dernière. Auparavant et préalablement à chaque hiver, une étude de terrain était menée pour recenser le nombre de migrants en situation de vulnérabilité et pour établir une liste des besoins, mais ce travail ne se fait plus aujourd’hui alors que des fonds importants ont été alloués à l’aide humanitaire. Il faut souvent que l’AMDH ou les migrants protestent pour que ces associations donnent un peu de l’aide dont elles disposent», nous a-t-il expliqué.
Notre interlocuteur estime que le sujet des associations travaillant dans l’aide humanitaire demeure tabou. « Il y a de la confusion et de l’opacité dans ce domaine. Plusieurs associations ont surgi de nulle part après le lancement de la nouvelle politique de l’immigration et de l’asile en 2013 et notamment après la mise en place de fonds par plusieurs pays européens et ONG internationales (GIZT, coopération suisse, OIM…). Ces associations nationales et internationales travaillent en partenariat avec le ministère des MRE et des Affaires de la migration ou avec l’OIM, ainsi qu’avec la coopération suisse et l’UE sur les questions de l’humanitaire, de l’assistance médicale et sociale, de l’accompagnement et de l’intégration. Mais, leur impact sur le terrain laisse à désirer. Beaucoup de projets initiés par ces ONG n’ont pas abouti et plusieurs programmes ont échoué », nous a-t-il précisé. Et d’ajouter : « Ces ONG ressemblent, en grande partie, à certaines associations qui ont vu le jour avec le lancement de l’INDH et qui se sont transformées en coquilles vides quelques mois après la mise en place de leurs projets. Ces ONG manquent gravement de formation dans le domaine de la migration. Elles ne font pas la différence entre un migrant régulier et un irrégulier et entre un réfugié et un demandeur d’asile sans parler de leur méconnaissance du cadre juridique et législatif régissant cette question au niveau national et international. Ces associations manquent également d’informations sur la réalité du terrain et sur les véritables besoins et attentes des migrants. Et beaucoup d’entre elles manquent également de ressources humaines spécialisées en matière de gestion administrative et financière ».
A ce propos, notre source nous a indiqué que les programmes humanitaires de ces associations sont souvent élaborés sans implication directe des bénéficiaires et d’autres acteurs qui agissent sur le terrain. « Ces ONG n’ont pas d’ancrage au sein des communautés de migrants, ce qui rend leur travail inefficace et incapable de répondre aux besoins », nous a-t-elle précisé.
Et qu’en est-il du suivi de ces associations ? « Il y a absence totale de contrôle de la part des bailleurs de fonds. Un responsable du ministère des MRE et des Affaires de la migration a récemment affirmé que le Maroc manquait de ressources humaines à même de faire le suivi des projets. Ce qui permet à ces associations de jouir des fonds sans en faire bénéficier les migrants », nous a confié Hassan Ammari. Et de conclure : « Aujourd’hui, plusieurs associations se contentent d’organiser des événements limités dans le temps et dans l’espace et de prendre des photos de ces événements pour justifier leurs dépenses devant les bailleurs des fonds, mais cela ne doit pas jeter l’opprobre sur d’autres ONG humanitaires telles que la Fondation Orient-Occident, le GADEM, Tamkin, Terre des Hommes et Caritas, mais à Oujda et Nador, la situation demeure grave».
9 Novembre 2016, Hassan Bentaleb
Source : Libération